Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

La saison en enfer (1/3)

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Première partie de l'entretien avec Roland Muller, réalisateur du documentaire "La saison en enfer" diffusé en février 2013 sur France 3 Alsace.

La saison en enfer est un documentaire de 52 minutes, diffusé récemment sur l'antenne de France 3 Alsace, dans le créneau des documentaires de production régionale. Produit par Ere Productions, le film est réalisé par Roland Muller, qui a suivi la saison sportive du bord du terrain et qui a rencontré les différents protagonistes de la saison après le dépôt de bilan. Afin de mettre en perspective l'arrivée du Racing en CFA2, il a également rencontré des universitaires (André Rauch, Alfred Wahl), des acteurs de la politique (Alain Fontanel, Dominique Gros...) et du football (Loulou Nicollin, Carlo Molinari...). Voici la première partie de l'entretien, où le réalisateur se présente et explique notamment l'absence des supporters.

http://mediasoc.racingstub.com/blogs/m/mediasoc/photos/087/film4-...

Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de racingstub ?

Je suis réalisateur de films documentaires pour la télévision, j'ai plus de 60 ans, et je m'intéresse au football depuis l'âge de quinze, seize ans parce que je jouais, j'étais avant-centre. A l'époque les Müller étaient très prisés (rires), Gerd notamment, qui faisait la une des journaux... Je marquais un but par match dans l'équipe d'Eckbolsheim, j'ai même joué à la Meinau, ancienne configuration contre l'équipe des jeunes du Racing lorsque j'étais junior. A l'époque j'étais même cadet, j'étais surclassé junior, tout simplement parce qu'il n'y avait pas assez de joueurs pour faire une équipe de cadets... On avait perdu ce match, je me souviens qu'un attaquant du Racing était un copain d'Eckbolsheim, il était au Racing et c'était quelque chose d'important pour nous. A un moment, notre gardien de but a dégagé et lui a brisé la jambe en pleine Meinau. Le pauvre gars d'Eckbolsheim se faisait péter la jambe par l'équipe d'Eckbolsheim. Le stade était vide et ses hurlements étaient terrifiants. Le gars qui a eu la jambe cassée s'appelait Jacques Drouet et Gérard Seyfritz était le gardien... Peut-être qu'ils se reconnaîtront dans cet entretien...

Mais le football m'a terriblement déçu à partir de 1978, avec cette Coupe du Monde en Argentine et où je découvre que le football peut être complice des dictatures, malgré lui probablement. C'est devenu une manipulation politique, et là je ne me suis plus retrouvé. J'ai eu des appréhensions à dire que j'aimais le football et puis j'ai effacé le football de ma vie pendant de longues années. Évidemment, en 1979, le Racing est champion de France, j'étais dans les rues de Strasbourg. Dans ces années-là, j'ai regardé quelques matchs au Racing mais je n'ai pas suivi ça de plus près. Puis, à la Coupe du Monde où la France a été championne - je ne me souviens même plus de l'année - lors du match contre le Brésil, j'ai regardé à nouveau en renouant un peu avec le football où il pouvait y avoir une certaine grandeur dans le jeu et dans l'attitude de l'équipe de France, qui m'a terriblement déçu par la suite. C'est pour ça qu'au début du film, je dis que j'ai besoin de me réconcilier avec le football et que je suis revenu à la Meinau pour voir de près, grâce à ma position, ce qu'était une équipe de football aujourd'hui.

Avant 78, j'aimais le jeu, j'aimais courir, j'avais quelques qualités, notamment la pointe de vitesse, qui pouvaient être utiles à l'équipe où j'étais en permanence... On jouait contre les petits villages et je rentrais toujours avec les jambes couverts de bleus. Quand on joue avant-centre ou même ailier gauche, la défense centrale adverse dégage tout : ballon, jambes...

Vous parliez de réconciliation avec le monde du football, mais vous aviez déjà réalisé un documentaire dans les années 90...

Daniel ou la passion ultra, c'était dans les années 94, 95... C'était le travail d'un sociologue auprès des supporters qui m'a amené à réaliser ce film. On s'était rencontré chez un producteur. C'était un 26 minutes. Je ne connaissais pas plus que ça le milieu des supporters, et j'avais décidé de faire le film sur deux matchs Strasbourg Bordeaux, l'un en championnat et l'autre en Coupe de France. Au premier match, naïvement je vais avec la caméra dans le quart de virage des ultras mais à un moment les ultras bordelais me tombent dessus et les CRS ont dû me dégager de là... C'était impressionnant plus que violent mais j'avais laissé ma caméra allumée... Il y a donc eu quelques "émeutes", suffisamment en tout cas pour que le Préfet m'interdise de stade la fois suivante. Il considérait que le film troublait l'ordre public. On a dû faire intervenir le directeur de France 3 pour que l'on m'autorise à continuer le film... Finalement, pour le deuxième match, j'ai mis un caméraman dans le parcage de Bordeaux afin d'avoir des images des deux côtés de la barrière si on peut dire. Il fallait une organisation assez précise pour que ce genre de choses puisse être réalisé ; je ne m'en doutais pas... A l'époque, sur un autre tournage, j'avais rencontré Robert Herrmann, adjoint au sport du Maire de Strasbourg : ils avaient fait tout un travail pour éliminer les plus extrémistes, les plus violents, j'ai oublié leur nom... Et moi j'arrivais derrière avec un film à la gloire des supporters et ils avaient eu peur et avaient interdit ces choses... Une fois qu'ils avaient vu le film, ils étaient rassurés.

Le point de vue des supporters


Plusieurs personnes m'ont posé la question : le point de vue des supporters, ce n'est pas ce que je veux mettre en avant. Le supporter, celui du quart de virage, c'est pas celui que je veux mettre en avant ; celui que je mets en avant, c'est celui qui tire les ficelles du club, ceux qui ont un vrai rapport d'action. Mais le supporter, par ses chants et sa position, agit aussi, je le reconnais, mais ça reste une image de fond. Ça vient particulièrement au fait que les supporters, dans le déroulement de certains événements, ne voulaient pas me parler, bien qu'ils me connaissaient. Certains étaient déjà là au temps où j'avais fait l'autre film. Le seul moment qui m'intéressait, du point de vue des supporters, c'était dans l'action des choses. Sinon, au-delà de ça, j'ai tous ces gens vers qui je vais et que j'interroge, les politiques, les présidents, les gens qui ont le pouvoir dans le football, celui par lequel ils s'expriment, car comme le dit Nicollin, c'est une passion pour eux, qu'est-ce qu'ils pourraient bien me dire ces gens-là ? Je voulais créer une parole cohérente de ces gens qui apparaissent une fois de temps en temps au détour d'un article. Est-ce qu'ils disent tous la même chose, et quand ils disent quelque chose, qu'est-ce que j'entends ? Est-ce qu'ils nous parlent de nous-mêmes ? Est-ce qu'ils parlent du football et de sa place dans la société ? Parce que c'est la question principale : comment se fait-il que le football soit placé au rang de patrimoine ? Les uns comme les autres m'ont vraiment parlé de ça, me semble-t-il.

Pourquoi le titre, "La saison en enfer", car finalement la saison dernière, c'était la moins pire des dernières saisons ?

Oui on pourrait dire ça. Je pensais surtout à Une saison en enfer, mais comme je n'aimerais que ça n'en soit qu'une, j'ai appelé le film "La saison en enfer", parce qu'elle s'inscrit dans un mouvement des saisons précédentes, ce que j'essaye de dire dans le film, mais c'est quand même celle où l'on est au fond du trou et on essaye d'en sortir. C'est dans l'espoir que ça soit la seule dans l'Histoire du Racing et qu'elle soit marquée d'une pierre blanche, par le film par exemple.

Pour Rimbaud, une saison en enfer, c'était aussi une manière de racheter son salut...

Le point de vue qui m'a le plus étonné, c'est celui de François Keller que je trouve très poétique. Son attitude, sa forme et son humanisme m'ont beaucoup réjoui. Par rapport à beaucoup de gens qui sont de près ou de loin dans le management du club, qui se transformés en carpes muettes, lui a continué à me parler. Car avec ce qu'il se passait avec Sitterlé, plus personne ne voulait s'exprimer car ils avaient peur que ça se retrouve dans le journal un peu plus tard, alors que je leur expliquais bien que ce n'était pas immédiat dans l'histoire du club... Le seul, et celui qui avait cette générosité et ce côté poétique, dans ce monde de brutes, c'était François Keller. Peut-être est-ce pour ça que j'étais attiré par un nom de film qui vienne de la poésie.

(à suivre)

mediasoc

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