Montceau d'obstacle

(Article sur Montceau donc, à prendre avec humour et second degré ; apprendre l'alsacien aussi, pour faire plaisir à [login= il-vecchio])


"De sa splendide écaille éteignant les émaux,
Un grand poisson navigue à travers les rameaux ;
Dans l'ombre transparente indolemment il rôde.
Et, brusquement, d'un coup de sa nageoire en feu
Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu,
Courir un frisson d'or, de nacre et d'émeraude."

(José-Maria de Heredia, Les Trophées)

Tel est le saumon, parfaite inversion de Montceau. Qu'on ne vienne donc pas nous dire que cela n'a aucun rapport avec le sujet.
Il faut dire aussi que de nombreux jeunes lecteurs, et plusieurs double-comptes de jpdarky, nous écrivent au sujet du saumon. Ce billet sera donc le premier sur ce noble animal, qui le mérite, et bien davantage encore, comme nous l'allons montrer tout à l'heure.

Lachs, wo komsch'her ? / D'où viens-tu, Saumon ?

Extérieurement, le saumon ressemble à Alexander Farnerud mais avec des écailles par-dessus. Il faut dire que le Suédois en est très friand, et réciproquement : un saumon mangera volontiers des croquettes en sciure de rouquin.
Pour cette raison, l'habitat du saumon, une rivière glacée et fortement brassée par le courant, jouxte la maison du Suédois. Il vit donc dans cette même eau que Shakira utilise dans sa toilette pour se raffermir les seins - c'est très vivifiant, et particulièrement excitant.

Le développement de l'alevin passe par divers stades assez hideux pour être oubliés, et l'auteur les oublie régulièrement, tel le saumonounet qui a une tête de libéro messin. A cet instant, lassé des moqueries des jeunes perches et brochets profilés comme des couteaux, Petit Saumon file à la mer.
Ça ne dure qu'un temps, un jour vient où il est las. Il regrette d'avoir acheté en copropriété à la Grande Motte quand il découvre que la mer c'est d'une part ennuyeux et d'autre part salé, bourré de sacs en plastique, de membres dépecés de surfeurs et d'étrons de mérous.

Ruiné, le saumon rend son loft invendable sur la Côte, et prend en échange un petit studio mansardé, au 4ème étage, sans ascenseur, dans sa Suède natale. Sans ascenseur ? Mais il lui reste, bien sûr, les "échelles à saumon", ça lui fait des mollets d'acier ! Et après quoi, tout naturellement, c'est l'accouplement, la gestation, et puis la vie qui recommence dans le sein maternel (voir paragraphe 1).

Am fischa : esch a Lachs schlaui ? / La pêche : le saumon est-il malin ?

Bien sûr, le prochain match portant sur le club de Montceau (ville quasi-homonyme de saumon !), les considérations ichtyologiques pourraient n'avoir aucun intérêt aux yeux du commun.

Ce serait sans compter sur la pêche au saumon, celle qui fait les vrais hommes. Ce jour-là, au Mont Saint Michel, nous avons senti immédiatement que le guide n'était pas ordinaire. Il nous le confirma, l'oeil brillant et la nuque raide; "Je ne suis pas seulement un guide de la baie du Mont St Mich', je suis aussi un peu branché pêche. Parce que bon voilà, moi, je pêche. Du saumon".

Le saumon est pêchable au moment de sa vie en mer. Ondulant dans l'onde dans un tango aquatique, le saumon maigrichon (il s'est tout de même tapé toute la remontée du courant depuis le periph' a la nage, le gars, ça vous dessécherait un Pierre Menès), ondulant donc, il se dit que mazette, je n'ai pas encore atteint les parages de Stockholm, Humber, Nord-Irelande et Ouest-Irlande, voire Fischer, German ou Antifer.

Il ondule donc - justement, il passe dans la baie du Mont Saint Michel. Naïf, il dresse sa nageoire dorsale à fleur d'eau, comme un orque épaulard en plus menu.
Le pêcheur le voit de loin. Lui, il ressemble au vieil homme dans Le Vieil homme et la mer d'Hemingway, sauf qu'il est davantage branché saumon. Il a le droit ; le pêcheur est autorisé, par décret de François Ier au bénéfice de son lointain aïeul, à prélever son poisson à la baie, environ un par semaine, moyennant quoi l'homme s'approche sûr de son bon droit - mais avec un air détaché qu'il compose pour la galerie; il est bien à son affaire. Mais le saumon est malin (on le voit dans ses petits yeux).
Toujours décontracté, le pêcheur assemble un grand fourbi en pièces détachées, c'est l'armature d'un piège ancestral avec un filet au milieu. Il n'a pas le choix. François Ier lui a interdit de pêcher à l'hameçon ; sans cet outil remarquable il lui reste la lutte sous-marine à l'Opinel, très risquée, ou son bastringue à filet. Tout le monde préférerait le filet, mais ça nourrit chichement (on le disait, environ un saumon hebdomadaire).
On voit là que François Ier était un peu le Marc Keller du royaume de France : au centre de tout, il ne méprisait jamais une idée ridicule. Mais, contrairement à Marc, il mourut trop tôt pour bousiller l'écusson du Racing, qui nous était parvenu intact jusqu'au fatal mois de septembre 2012, entre la poire et le fromage. Bref.

Le pêcheur est toujours en train de monter son filet modèle François Ier. C'est le noeud même de son existence; il doit à cela de regarder de haut le harponneur de baleines ordinaire sans compter la taille de guêpe (c'est pas très calorique - il y a des semaines où il pêche à peine un goéland mort). Pour tout dire ; l'affaire est si rentable que Jafar Hilali a failli lui racheter 1 milliard ! Évidemment le vieil homme s'en bat l'oeil, il aime pas trop les machins qui viennent d'au-delà de la Manche sans nageoires.
Le saumon regarde la scène négligemment tout en lisant un SMS. Il a bien remarqué le vieux taré jouant au mikado avec des tringles à rideaux vermoulues, mais ne se doute toujours de rien. Et soudain ! Le bazar assemblé, l'homme plonge les bras d'un geste brusque, tire la bobinette, la chevillette saute et piège le saumon, qui tout malin qu'il est, a l'air un peu bête. Job done !

Von der Ewerleiaheit vom Fischer ewer s'Tier / De la supériorité du pêcheur sur l'animal

C'est quand même autre chose que la technique de l'ours ! L'ours - on a honte pour lui - est infiniment moi malin que le saumon.
L'ours lui est un gros couillon balourd incapable de différencier un mambo d'un tango, ce qui en dit long sur ses limitations esthétiques, le tango étant orange et noir. Pour pêcher il se sert à la patte, dans le geste démesuré et effrayant de Mixu Paatelainen attrapant son dessert à la cantoche. L'ours patouille autour du saumon, lui éclabousse les ouïes, éructe d'impatience, et puis il y a les tourbillons, l'écume, les éclats sur les rochers, ça s'entremêle méchamment, c'est n'importe quoi.

Vraiment, l'ours est tout juste bon à torcher des logos pour le Racing Club de Strasbourg CUS Bas-Rhin Alsace France Europe Monde.

On connaît l'histoire, Marc Keller avait demandé à la boîte d'intérim le gars le moins cher, pourvu qu'il ait au moins un bras et qu'il connaisse Paint.exe. L'ours avait alors grogné « Si tu as un pot de miel, je suis ton ours ». Après la visite médicale d'usage, on sait jamais avec ces grosses bestioles, on avait bien signé Jean Claude Plessis à deux doigts de la cirrhose – Marc l'installa dans le bureau de Gilbert Gress, celui avec le vieux Commodore 64, on un Vic20, on ne sait plus. On connaît la suite ! Honte à l'ours, ce blaireau !

Si Marc avait pris le temps de considérer les manières frustres de l'ours, en particulier quant à sa technique de capture du saumon, nous n'en serions pas là. Mais voilà, quand on bâcle, on bâcle.

Montceau : a Stadt, a Klub / Une ville, un club

« Pardon Marco, j'ai encore glissé » souffla l'ours qui essayait de copier-coller la cathédrale au milieu du logo.

« 'Tain mais t'es saoulant Winnie, tu m'avais dit que la souris c'était pas un problème, t'étais prêt à en bouffer tellement que t'as la dalle ! Allez hop, joue plutôt à Simcity, c'est dans le répertoire 'Tactiques Gilbert 2009, top secret'. Et tu touches pas à Gilbertville dans les sauvegardes, c'est du patrimoine ».

C'est comme ça qu'aurait pu naître Montceau, sur Simcity, avec un animal demeuré aux manettes .

Montceau !, brouillon de ville, appelée de son nom complet Montceau-les-Mines, pour ne pas confondre avec Montceau-la-Belle, ou même Venise. C'est parce qu'un touriste averti en vaut deux, et deux touristes ce ne serait pas de trop à Montceau, comme l'énonce la célèbre boutade bourguignonne. Les Bourguignons connaissent bien leur Montceau.

Ce qui soulève évidemment les questions cruciales; le Bourguignon serait-il malin ? Où se situe le curseur entre la malice de l'ours et celle du saumon ? François Keller compte-il vraiment en piéger avec ses antiques pièges à filet, ou avec Ziman Duki pour appâter ? Se contente-t-il d'un rendement d'un seul gros poisson par semaine ? Fallait-il continuer à donner le prénom François, après l'illustre roitelet de France et ses décrets saumonophobes ?
Autant de questions qui nous donnent la nostalgie des meilleurs crises hivernales; allez Montceau !


(Avec jpdarky pour les passages en anglais)