Vol au-dessus d'un nid de coucou

C'est la dernière mauvaise surprise en date de Jafar Hilali : vendre un club exsangue financièrement pour un euro symbolique à un supporter. Ce supporter, c'est Thomas Fritz, un ingénieur informatique de 32 ans. C'est lui, et non Jafar Hilali, qui pourrait se rendre au Tribunal de Grande Instance de Strasbourg pour représenter la SASP RC Strasbourg, convoquée lundi 18 juillet.

En attendant, Thomas Fritz a fait le tour du propriétaire ce mardi à la Meinau. Ce matin, il a rencontré les salariés du club. Au chômage technique depuis plusieurs semaines, inquiets pour leur avenir et dans l'attente d'un interlocuteur fiable, ils se sont montrés extrêmement méfiants voire hostiles à l'égard du nouveau propriétaire. Même son de cloche chez les joueurs, qui ont exprimé leur ras-le-bol: « Il faut arrêter cette mascarade, Jafar Hilali et ses complices jouent avec nous, les salariés, tout un club. Ça suffit maintenant ». D'autres ont même dépassé ce stade: « Qu'il arrête, je vais finir par lui casser les dents » (voir l'article de l'Alsace).

Cet après-midi, Thomas Fritz a rencontré les supporters. Rendez-vous avait été pris à 15h au stade de la Meinau pour une soixantaine de personnes. Debout sur les marches du quart de virage nord-ouest, l'homme a tenté de répondre aux premières interrogations des supporters sur son projet. D'une voix difficilement audible, il s'est présenté comme un simple supporter, qui ne veut pas laisser mourir le club. Ses contacts avec Jafar Hilali remonteraient à plusieurs semaines, et c'est sur sa propre initiative que la transaction s'est réalisée, le temps d'un aller-retour à Paris le 11 juillet. Par ailleurs, Fritz a laissé entendre qu'il serait en contact avec d'autres investisseurs capables d'injecter plusieurs millions d'euros, argument qu'il fera valoir au TGI. Une convocation qu'il évoque avec détachement et qui ne l'inquiète pas outre mesure, puisqu'une garantie de passif serait a priori incluse dans la vente.

L'entretien a été marqué par l'intervention d'Arnaud Szymanski, un temps approché par Jafar Hilali pour occuper un poste au conseil de surveillance. Sous la forme d'un mea culpa, il invective la star du jour en lui reprochant notamment son inexpérience dans le football, même amateur. Ce à quoi Thomas Fritz répond qu'il a joué au Racing quand il avait 4 ans. L'ancien responsable UB90 poursuit en évoquant le cas des jeunes et des salariés du centre, en précisant que cette farce ne faisait que prolonger leur calvaire.

Sur le plan sportif, Fritz a assumé sa volonté de libérer les joueurs et assuré qu'il n'aurait pas de mal à recruter une équipe compétitive, même avec un timing serré, quitte à déclarer forfait pour les deux ou trois premières rencontres.

Thomas Fritz est ensuite revenu sur certaines de ses déclarations faites en comité restreint en juin. Il a notamment évoqué une lettre qu'il aurait envoyée à Bill Gates - il n'a pas eu de réponse - ou encore sa participation à l'organisation de la coupe du monde au Qatar. Après un quart d'heure d'entretien, le propriétaire est reparti se mettre au travail. Son avocat, présent à ses côtés pendant les questions-réponses, a poursuivi la discussion avec les supporters présents, sans dévoiler plus de détails que son client sur la façon dont ce dernier compte sauver le Racing.



Finalement, cette nouvelle et probablement dernière pirouette de Jafar Hilali ne fait que renforcer le côté à la fois pathétique et ubuesque de la chute du Racing. En cédant le club à un supporter probablement inconscient de la situation, le « Mozart de la finance » a surtout trouvé une porte de sortie idéale, grâce à laquelle il n'aura pas à assumer sa gestion calamiteuse. Pire, c'est désormais un quidam qui doit faire face aux échéances, mais aussi à un environnement assez largement sceptique.

Article co-écrit avec rachmaninov