Les convives (1/3)

03/03/2012 12:55
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Steve se sentait vraiment à l'étroit dans ce foutu coffre à tatamis. C'était ça, la « very special secret mission » à l'étranger promise par Jeff ? Pour le dépaysement, c'était plutôt raté. Ça lui rappelait son bureau, le plus petit de la rédaction, celui à droite des toilettes hommes. Même l'odeur n'était pas trop différente, cette espèce de mélange plouc typique de tabac froid, de sueur, de café renversé et de savonnette Monoprix. C'était bien la peine de s'être tapé un voyage en low cost et de s'être trompé de train à Luton. Mais en soulevant légèrement le couvercle, Steve avait une vue imprenable sur l'arrière-salle de la friterie vietnamienne (ou coréenne, Steve n'était pas sûr – tous pareils, ces niakoués) qui serait bientôt le théâtre de la conspiration qu'il avait ourdie avec Jeff. Ourdie. Il aimait bien le mot. Ça faisait grand reporter. Ou commentateur politique. Ou envoyé spécial en Ouzbékistan. En tous cas, ça faisait tout sauf journaliste sportif. Steve n'avait jamais voulu être journaliste sportif.

Évidemment, faire la planque dans un coffre à linge comme un slip kangourou usagé n'était pas forcément très glorieux, mais c'était ça l'adrénaline du journalisme d'investigation, celui avec du sacrifice dedans. De l'abnégation. De l'aventure. Cent fois mieux que de compter les plots à l'entraînement comme cette conne de Barbara. Il vérifia qu'il avait bien éteint son portable, dont la sonnerie aurait pu trahir sa présence, surtout que Pat appelait toujours au mauvais moment. Quelle huître, ce Pat, il ne comprenait jamais rien aux instructions (« C'est comme ça que j'dois dire, hein ? »). Quant à Tom, il ne risquait pas d'appeler, il n'avait même plus de quoi recharger son crédit. Pauvre Tom. Steve ne put s'empêcher un petit sourire malveillant. Héhé.

Mais voilà que la porte s'ouvrit en grinçant et que Jeff entra dans la salle. Il n'avait pas changé depuis l'été dernier, un peu grossi peut-être. Toujours sa chemise à carreaux façon nappe de cuisine. Toujours ce cheveu noir, bouclé, un peu gras, qui rappelait à Steve sa première expérience féminine, ou le dessous de bras de Didier Six, ou la toque en astrakan de son voisin tchétchène, enfin un truc poilu et doux, quoi. Odorant aussi. Mais passons. C'est ce côté attendrissant, sensuel même, qui avait fait pencher la balance en faveur de Jeff lors du rachat du club (et aussi, un peu, l'absence de garantie de passif). Jeff posa ses petits yeux mi-biche, mi-cochon de lait sur le coffre à tatamis et esquissa un discret signe de la main à l'attention de Steve. Tout se déroulait comme prévu, donc. Freddy n'allait pas tarder.

à suivre...

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