Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Chasse les malappris

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Par iuliu68
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2 comm.

Le Racing est distancé, mais les loups sont lâchés, les chiens aboient, la caravane passe, le poussin piou. Reste le petit chat seulet.

Mardi 12 Mars 2013, Strasbourg, Rue de la Nuée Bleue, Commissariat de Police, 2ème étage.

Le commissaire Zorky et Dattel, son fidèle adjoint, tournent en rond dans le bureau enfumé. Germaine, secrétaire rébarbative mais dure au mal, apporte des tasses de Lapsang Souchong, le chef les boit à la chaîne depuis des heures tout en tirant sur sa pipe en écume ouvragée à la main par de jeunes séminaristes briochins.

Et là, c'est le drame


- Commissaire, les indices sont maigres, c'est une sale affaire, il faut bien l'admettre.
- Dattel, maigre est le mot juste. Je n'en peux plus, ça fait depuis ce matin que l'on lit et relit ce dossier Chasselay, et nous ne trouvons rien. La capitale du beaujolais, ce serait un début, le picrate infect puant de crime à plein nez, mais en fait non, ce n'est même pas ça, Villefranche c'était le bon temps, nous parlons de Chasselay, de rien. RIEN, entendez vous : NADA. C'est difficile.
- C'est pas que c'est difficile patron... C'est que c'est sa mère difficile, la race de sa grand-mère !
- Dattel ?
- Pardon Commissaire, je m'emporte, faut dire aussi que je n'ai rien mangé depuis mon Benco de ce matin, et encore, celui-là, je l'ai bu.
- Non mais, au fond, vous n'avez pas tort. Malgré les aspérités prolétariennes de vos habitudes d'expression, les remugles nauséabonds de cage d'escalier en HLM...
- (il le coupe) Commissaire, ça tombe bien que vous utilisiez cette expression, je me suis toujours demandé s'il existait des remugles pas nauséabond ?
- (soupir) ... Dattel, vous m'interrompez en plein compliment ? (il se prend la tête dans les mains en la secouant latéralement ce qui fait beaucoup en un seul mouvement, voir Figure 42) ... A bove ante, ab asino retro, a stulto undique caveto aubonlaidebrebisse disait Pierre Palmade, et je crois qu'il n'avait pas tort. Je vais faire celui qui n'a rien remarqué, à seule fin de pouvoir continuer à tolérer de collaborer avec vous. Reprenons. Il semble qu'au fond, vous avez raison, fidèle Dattel. Peut-être bien que ce cas est trop difficile pour nous.
- Hou leich patron ! Mais, mais, quoi qu'on va faire ??

Zorky, la mine sombre, les épaules soudain voûtées, contrastant avec son habituel maintien aristocratique, contourne son bureau massif et ouvre un tiroir qu'on aurait pu ne pas apercevoir, en un tour d'une clé extraite d'un rabas secret de sa blague à tabac. Il sort du tiroir un papier jauni par les ans.

"- Voyez vous Dattel, je ne pensais jamais avoir à me servir de ce papier. On en a eu des cas difficiles, l'affaire du peintre fou qui colorait les trams en vert, le vol du collier de Civa-le-Maharadja-en-répondra-aaa, la nonne maniaque naine du Neudorf, le kebab fluorescent de Fessenheim. Mais là, je suis démuni.
- C'est quoi ce papier patron ?
- Le 06 de Joe Hayes.
- ?
- Vous ne le connaissez pas, personne ne le connaît. C'est un ex-agent du SGEG, ou du SDEC, de la DST, ou les trois à la fois, bref. Il travaille désormais pour un département encore plus secret, je ne peux pas en dire plus, sinon je devrais vous tuer après. Enfin si, un peu quand même, il est spécialisé dans l'obscur, l'étrange, l'inexplicable.
- Ha ouais, je vois, comme par exemple sur comment des mecs ont cru que c'était une bonne idée de montrer des demi-célébrités s'entraîner à plonger du 5m de la piscine de Schillick, tout ça ?
- Heu, plus ou moins, mais davantage ourdi dans l'ombre par des malfaisants, voyez vous. Des genre de machins non classés quoi.
- Mais, patron, sauf votre respect, c'est n?'mporte quoi ! Enfin quoi, on est pas des baltringues, c'est foireux ce truc, il nous faut un plan, un PLAN merde !
- Dattel ?
- Pardon patron, j'suis à cran, le Benco tout ça.
- Admettons, bon, prends ton pardessus, on y va.
- Mais vous l'appelez pas ? Rapport au papier dans le tiroir semi-invisble tout ça ?
- Appeler ? Mais non, allons directement à son bureau. Et jetez moi cette gomme à mâcher, allez, ne faites pas le timide, prenez ce fichu papier, c'est une feuille de brouillon de mon bachot, j'en avais pris 18 ramettes."

I want to believe

Strasbourg, Plaine des bouchers, Un bâtiment anonyme, au deuxième sous-sol

Zorky et Dattel pénètrent dans un bureau par une porte marquée "Placard à balai, ne pas entrer". Un homme en bras de chemise compulse un dossier cartonné en gribouillant frénétiquement son calepin de notes indéchiffrables. Le son de la porte qui se referme et de la chute d'un enchevêtrement de balais brosses le font tressaillir. L'oeil mauvais, il dévisage ses hôtes, puis se lève d'un bond en jettant sous sa chaise un dossier sur lequel on lit "Dossier Pierre Rapin - Gros complot".

" - Putain Zorky ! Tu pourrais prévenir, j"aurais pu te tuer, tu sais que je suis en nitroglycérine !
- Arrête ton char Joe, allez, viens faire un gros poutou à ton Zorky, ça fait une paye hein ? C"était quand la dernière fois ? Ha oui, quand on est allés voir "Ennemi d'Etat" au Vox tu te souviens ?
- (Dattel, tout bas) C'était aussi le jour de la dernière douche, pour sûr !
- Salut vieille branche ! Le Mozart de la Nuée Bleue dans les bas-fonds des enquêtes non-officielles ! Ne me dis pas que tu es venu jusqu'ici simplement pour tâter de mes poils drus de barbe de trois jours ?
- Non, tu as raison Joe, je suis dans de beaux draps."

Les deux hommes de Loi s'étreignent les épaules dans un élan viril, comme si les deux faces de la lutte contre le Crime se rejoignaient, un de ces instant suspendus avant que le commissaire, dans sa bonhomie familière, ne feigne d'ignorer le "sale boulot" des secrets d'alcôve et les interrogatoires officieux à la scie sauteuse.

Dattel parcourt du regard les murs décrépis de la cellule de séminariste de Joe Hayes. Dans la partie la plus éclairée et la moins maculée de moisissure, un fanion du 13ème de Paras, une photo de Joe avec Bob Denard et une page du calendrier des postes figurant un crépuscule sur Saïgon capitale de l'Indochine, France (1953).

"- Bon, c'est quoi cette affaire qui vous résiste ?
- Une sale affaire, et les indices sont plutôt maigres, même le Commissaire il est tout sec pour le coup, et à partir de là...
- Joe, c'est Chasselay.
- Aïe. Tu sais pas à quoi tu t'attaques là.
- Tu connais ?
- Si je connais Chasselay ? Mais tu me connais ma Zorkouille...
- ... ha-hem, s'il te plaît, Joe, nous sommes ici pour le boulot, me taquine pas trop la nostalgie.
- Tu sais, j'ai vachement progressé dans mes méthodes d'investigation. J'ai le internet maintenant, le ministère m'a affecté un Bull Micral de réforme l'année dernière. Pour te la faire courte, j'ai infiltré le club d'informatique du lycée Pasteur, et à force d'intrigue, j'ai réussi à leur faire pondre un script-bot qui récupère sur le internet des indices parcellaires en les concordant par un algorithme bayésien de première bourre. Ca m'a coûté une blinde en canettes de red bull, mais au final, le machin me sort régulièrement des dossiers béton avec des liens 'hypertextes' chaipakoi vers des pages de documents ultra secrets. Et là, Chasselay, si tu veux, c'est un des dossiers du haut de la pile.
- Sur le haut... là je suis brûlant comme un canon de Mahurin, ne fais pas lanterner un vieux pote du 13ème !
- Regarde, ça s'appele une 'page wikipédia', celle là, c'est celle de Chasselay."

Joe tend une copie faite à la main de ladite page (l'imprimante matricielle Oki que lui a fourni le ministère n'a plus de ruban depuis 6 mois, et vas y pour trouver des consommables d'un matos de 1989 chez Auchan) à Zorky. Le Commissaire lit fébrilement le papier. Le pose.

"- Je ne vois rien de suspect là dedans. Chasselay est une commune du Rhône (69) située à mi-chemin entre Lyon et Villefranche-sur-Saône, à part que ce sont deux anciens dossiers dont les indices étaient plutôt maigres au départ, de sales affaires, qu'on a résolues d'ailleurs, je ne vois pas trop ce qu'il y a de suspect là dedans.
- Eh bien ! Ça t'a sacrément ramolli du bulbe de fréquenter les hautes sphères de la popo, dude. Regarde, là, dans le paragraphe "Santé", c'est pourtant évident : ?Il y a plusieurs praticiens de santé dans Chasselay, dont deux médecins, quatre dentistes, deux kinésithérapeutes et un pharmacien.?
- Il y a une pharmacie. Wow. J'aurais jamais cru.
- Non mais c'est pas possible, t'es en pré-retraite ou quoi ? COMMENT EXPLIQUES-TU QU'IL Y A PLUS DE DENTISTES QUE DE MEDECINS GENERALISTES DANS CE BLED ?????
- Heu, oui, enfin non, je ne vois pas, peut être que le numerus clausus...
- ... Mais non ! Elémentaire ! C'est parce que la CIA, le FBI et/ou le Mossad ont placé des puces dans les canines des gens du bled, rapport aux extra-terrestres qui veulent asservir l'Humanité avec la complicité de la Bourse de New York et Findus ! Ou alors ce sont - tout simplement - des vampires ! C'est possible aussi, je me rappelle d'un cas comme ça, c'était par chez toi en plus, les monstres suçaient le sang des subventions de la Région, ils avaient leur crypte à Londres. J'ai bien cru que j'allais y passer. Mais j'en suis venu à bout. Bon, j'avais un gros atout dans ma poche, un ancien du bataillon bossait en couverture pour un canard local, en cheville avec un super-héros en civil, Stihlmann, Slipman, je ne sais plus."

Zorky et Dattel restent un moment interdits avant d'échanger un regard de stupeur mêlée de désarroi (c'est très difficile à imiter, tout se passe dans les sourcils comme chez Bikchenté Lizarazou). Les mots sont inutiles. Les deux hommes remettent les balais en place et partent en fermant soigneusement la porte, sans oublier de caler une chaise contre la porte pour la bloquer de l'extérieur.

Epilogue arythmique


Nos héros rejoignent la civilisation hébétés. Après de longues minutes de silence, Zorky se tourne vers Dattel :

"- Non, c'est vraiment trop con Dattel. Je ne sais pas ce que j'espérais en faisant appel à ce vieux fou. Vous savez qu'il était même capable de lire des livres ? Du Albert Camus, et encore, ça c'était avant qu'on le saoule au gasoil pour l'anniversaire de l'adjudant.
- A mon avis le bled n'existe même pas de toute façon. Vous y croyez vous à ces histoires de vampires et d'extra-terrestres, patron ? Pourquoi pas des hommes crabes tant qu'on y est !
- Je suis las de tout ça, fidèle Dattel. rallumant sa pipe On s'en fout de Chasselay vous savez, mais tout ça ne masque pas le fait que c'est une sale affaire...
- ... oui, et...
- ... les indices étaient plutôt maigres, oui, mais surtout, cette sale affaire n'a pas de chute. Mais bon, avec un peu de chance ça passera inaperçu, comme d'ailleurs le match lui-même."

Le soleil se couche sur la route de Colmar, Zorky et Dattel entrent dans un tram aux couleurs de 'Strasbourg The Europtimist', comme un symbole. Assis dans la rame, les yeux dans le vague, le duo semble plongé dans une sombre méditation. Zorky se tourne vers Dattel.

"Des vampires à Chasselay, sérieusement, pourquoi pas une SCIC à Auxerre !"

Co-écrit par Iuliu68, Zottel et JPDarky comme des chevaux fous dans le désert.

iuliu68

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