Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Waterloo Sunset

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Sauf ultime rebondissement, la décision du tribunal de grande instance aujourd'hui devrait entériner l'inéluctable : la fin de 72 années de football professionnel à Strasbourg.

Tout avait débuté le 10 juin 1933 au restaurant de la Bourse. C'est dans cette grande brasserie « à la parisienne » bien connue des Strasbourgeois que se tint l'assemblée générale du Racing qui décida l'adhésion au professionnalisme, par 127 voix contre 2, et 6 abstentions. Un an plus tôt, le club avait choisi de temporiser au moment de la création du « National », Mulhouse étant alors le premier club alsacien à passer le cap du professionnalisme. A cette date, beaucoup de clubs français étaient encore dubitatifs à propos de la création d'un championnat sur le modèle de la Football League anglaise. La question n'était pas tant celle de la rémunération des joueurs – qui se pratiquait de façon hypocrite depuis une bonne dizaine d'années au moins– que de l'économie générale : les frais supplémentaires induits par des déplacements réguliers dans tout l'Hexagone seraient-ils compensés par un réel surcroît de recettes au guichets ? Le succès médiatique et populaire de la première édition du championnat professionnel dissipa rapidement ces doutes, et 1933 précipita donc les vocations, à Strasbourg comme à Saint-Etienne ou Monaco.

Ce grand bond en avant de 1933 couronnait la progression d'un club qui, parti de pas grand chose, s'était imposé sur une scène locale déjà bien chargée. Il ne faut jamais oublier que le FC Neudorf est à l'origine un club de faubourg, à une époque où cette notion voulait vraiment dire quelque chose sur le plan géographique et social. Contrairement à la plupart de ses homologues du championnat d'Alsace, le club n'a pas grandi au centre de sa cité. Il s'est construit à la marge, par un enracinement populaire et le talent de ses dirigeants, Charles Belling en tête. C'est cette dimension populaire qui fonde le clivage avec l'autre grand club de la ville, l'Association sportive de Strasbourg (ASS), bien plus prisée des habitants du centre-ville et des élites locales. Attachée au valeurs originelles du sport et de l'olympisme, l'ASS ne peut véritablement envisager le professionnalisme, contraire au mythe aristocratique du sportsman. Professionnaliser le sport dans cet esprit, c'est l'avilir en y introduisant l'argent mais aussi, et surtout, en l'ouvrant aux classes les moins aisées de la société. Pourtant, ce combat est déjà largement perdu : en 1933, les compétitions de football attirent depuis longtemps les foules et brassent déjà des sommes d'argent non négligeables, où le Trésor public n'a pas tardé à puiser son écot. Trois ans plus tard ce sera le Front populaire, qui fait sauter une autre digue d'un mode de vie un temps réservé aux classes aisées : les vacances, et notamment les bains de mer. L'ASS est donc en retard sur son temps, et c'est le Racing qui va logiquement prendre le rôle de porte-flambeau du football local, puis très vite régional.

Au-delà de ses vicissitudes, le RCS a assumé pendant 78 ans ce rôle de fleuron du sport alsacien, se constituant ainsi un large public. Un statut jamais remis en cause, même s'il y eut des anicroches comme en 1989, quand Strasbourg et Mulhouse se croisèrent dans l'ascenseur entre D2 et D1. Les belles années 1930, les succès en 1951 et 1966 et bien sûr le titre en 1979 ont alimenté la constitution d'une large base populaire couvrant assez exhaustivement les deux départements alsaciens et même parfois leurs alentours immédiats, dans les Vosges ou l'Est de la Moselle notamment. Même en troisième division, même très mal en point, le Racng suscite en Alsace un intérêt à nul autre pareil, même s'il est très souvent à double tranchant. Il suffit de voir pour cela la large couverture consacrée par la presse locale au déclin d'un club qui est pourtant loin d'être le plus performant sur la scène régionale. Un niveau d'attention dont rêvent sans doutes les hockeyeurs de l'Etoile Noire ou les volleyeuses de l'ASPTT Mulhouse, pourtant tous deux vice-champions de France lors de la saison écoulée.

C'est ce public, malmené, déchiré, mais toujours là, qui constitue le plus beau gage de renaissance du Racing.

Contrairement à ce que l'on peut lire un peu partout ces derniers temps, le club n'est pas « mort », ou en passe d'être. La thématique du décès est trompeuse, et généralement brandie par ceux qui n'ont pu, ou voulu, se résoudre à l'inéluctable : la faillite de la Société anonyme sportive professionnelle (SASP), minée par l'incurie de ses dirigeants et un modèle économique à bout de souffle. Ceux-là ont préféré s'acharner inutilement en présentant des plans de reprises où le retentissement médiatique contrastait nettement avec la maigreur des moyens alloués. Le dépôt de bilan était prévisible, et prévu, depuis des mois, depuis l'automne même, au moment où Jafar Hilali a annoncé qu'il ne remettrait plus un centime au pot tout en continuant à accumuler les passifs à court et moyen terme. A ce stade, brûler de l'argent pour racheter, recapitaliser et relancer le Racing relevait de l'ineptie sur le plan économique, ce que la passion ne peut que très faiblement compenser lorsque l'on parle en dizaine de millions d'euros. Contrairement aux fantasmes, les Dietmar Hopp ou les cheikh Tamim bin Hamad Al Thani ne courent pas les rues en quête de danseuse à entretenir.

La relance du Racing doit donc passer au moins en partie par un retour au fonctionnement associatif. Le club a pour cela l'immense chance de pouvoir s'appuyer sur le public constitué tout au long des années de gloire. Ce sera ainsi l'occasion de retrouver les racines populaires qui ont fait sa force à l'origine. Le RCS a été amateur avant d'être professionnel et n'aurait pu devenir une société de spectacle sans des années préalables de fonctionnement associatif. Ce qui vient d'être défait peut être refait, même si ce ne sera évidemment pas une partie de plaisir. A ce titre, l'agitation stérile des dernières semaines a fait perdre un temps précieux au « plan B », pourtant le seul qui ait jamais vraiment existé. La saison 2011/2012 est de ce fait largement compromise et ne pourrait bien servir qu'à marquer une transition.

Mais il n'y a, dans le fond, aucune raison pour que les Strasbourgeois soient plus bêtes que les Brestois ou les Valenciennois, ou même que les supporters de l'AFC Wimbledon ou des Bohemians de Prague. Avec un peu de chance, et beaucoup de travail, le déclin brutal des années 2008-2011 pourra n'être au fond qu'une péripétie dans la longue histoire d'un club de haut niveau. Ce n'est pas gagné, mais c'est loin d'être perdu d'avance.

strohteam

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