Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

André Bord et le Racing : l'échec de sa vie ?

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Par filipe
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Gress - Bord : amis puis ennemis (Crédit photo : L'Alsace)

Dirigeant incontournable du club dans les années 70 et 80, on lui doit tout autant le sacre de 79 que la descente aux enfers des années 80. Mais de l'homme, qu'en sait-on vraiment ?

Elevé à l'ombre de la Meinau
Né en 1922 au sein d'une famille ouvrière du Neudorf, l'enfance d'André Bord est celle de la plupart des petits Strasbourgeois de l'époque. Ses seules véritables distractions sont la chorale (les petits chanteurs du Schluthfeld), le basket et le football. Mais tout se bouleverse en 1939 : alors que ses parents cachent des prisonniers de guerre évadés, Bord inscrit sur les murs des slogans anti-hitlériens et détruit les drapeaux de l'occupant. Rapidement cet enthousiasme anti-nazi le met en danger : ses parents l'éloignent donc de cette Alsace sacrifiée à Hitler. Envoyé en Dordogne, Bord s'engage dans la résistance où il échappe, parfois de peu, à la vigilance de la Gestapo.


Résistant et soldat
Celui que ses camarades appellent « le bronzé » a cependant moins de chance en mai 44 où il est arrêté par les miliciens français. Condamné à mort le lendemain, André Bord ne doit son salut qu'à une rocambolesque opération d'évasion montée par ses compagnons : la voiture leur servant à prendre le large tombe en panne 500 mètres après leur fuite de la prison, les obligeant à courir dans les bois avant que les miliciens ne s'aperçoivent de leur évasion !
Plus tard, quand les alliés débarquent en Normandie, lui et les autres résistants retranchés dans les maquis sont chargés d'harceler la tristement célèbre division SS « Das Reich » dans le but de retarder son départ vers le front normand. Ces maquisards s'acquittent de leur tâche dans la douleur : Bord voit beaucoup de ses camarades disparaître sous le feu et la torture. Lui survit. Plus tard Malraux dira d'eux : « Ces quelques centaines d'hommes à quatre pattes dans les bois, avec quelques revolvers et un drapeau fait de trois mousselines nouées... ces hommes qui ont maintenu la France avec leurs mains nues ».


Un incident bénin change son destin
André Bord s'engage ensuite dans la brigade Alsace-Lorraine menée par le même colonel Malraux et participe à la libération de l'Alsace et de Strasbourg. Le sergent-chef Bord envisage alors sérieusement de faire carrière dans l'armée. Mais un incident va totalement changer le cours de sa vie : alors qu'il espère enfin pouvoir rendre visite à ses parents qu'il n'a pas vu depuis 4 ans, Bord est chargé de tenir le bureau du commando à Illkirch ; en colère il désobéit, se fait prendre et perd immédiatement son grade pour indiscipline : sa carrière militaire est terminée !
Sans cet accroc, André Bord n'aurait sans doute jamais entamé sa longue carrière politique et ne serait jamais devenu président du Racing...


« Quand vous racontez, j'ai l'impression de lire Paris-Match »
Cette boutade lancée par une amie s'explique par la densité impressionnante de son carnet d'adresses : marié à la fille d'Oscar Heisserer, Bord devient un ami proche d'André Malraux, Jacques Chirac, Charles Pasqua, Jean-Pierre Melville, Alain Delon, Mireille Darc, Charles Aznavour, Gérard Oury, Michelle Morgan, Tomi Ungerer, Germain Muller, Thierry Le Luron, etc. Bord emmena d'ailleurs ce dernier un soir de match à la Meinau, ce qui lui vaudra une petite pique de l'imitateur pendant son spectacle à Strasbourg : « Je viens de quitter le nouvel amant d'Alice Sapritch, mais si, vous le connaissez, André Bord, il m'a fait visiter leur résidence secondaire, le stade de la Meinau, 40 000 places,... ils sont à l'aise ».
Egalement proche de l'industriel Jean-Luc Lagardère avec lequel il envisage un temps de mettre en place un partenariat entre le Matra Racing club de Paris (l'improbable club créé par Lagardère) et le Racing strasbourgeois ...
André Bord est aussi un ami du couturier Guy Laroche qui s'est un jour proposé de fournir gratuitement les tenues officielles des joueurs : sans doute peu habitué à habiller ce genre de « mannequins », il eut un moment de panique en prenant la mesure de l'impressionnant mollet du capitaine Jacky Novi; mais les autres joueurs le rassurent en souriant : « Là où le mollet de Novi passe, tout passe ! »


Un amoureux de sport
Bord n'est pas devenu président du Racing par hasard : il adore le sport et avoue que l'un de ses plus grands regrets est de n'avoir jamais été ministre des sports.
Là encore, il se lie d'amitié avec quelques journalistes (Eugène Saccomano, Jean-René Godart) et sportifs (Guy Drut, Henri Leconte, Bob Wollek). Il assiste à de nombreuses étapes du Tour de France dans la voiture de Jacques Goddet (le directeur de course de l'époque) et ne manque aucune finale du championnat de rugby.


Un long parcours politique
Sa carrière politique lui permet d'occuper des postes prestigieux : gaulliste de la première heure, il est ministre pendant 12 ans sans interruption (sous les présidences de de Gaulle, Pompidou et Giscard). En 1958, il est chargé de se rendre en Algérie pour le compte du gouvernement ; sa mission : prendre le pouls de la population algérienne. Il en revient convaincu que l'Algérie doit déterminer elle-même son avenir... résultat : sa maison à la Meinau est plastiquée par des terroristes !
On lui confie aussi la présidence de la commission de coopération franco-allemande, ce qui fait de lui l'un des artisans du rapprochement entre les deux pays. Sur le plan régional, il est notamment député de 58 à 81 et président du conseil Général du Bas-Rhin de 67 à 79. On lui doit l'achat d'un bâtiment sur les Champs Elysées pour la promotion de l'Alsace au coeur de la capitale : la fameuse Maison de l'Alsace. Mais ses déboires avec le Racing vont plomber définitivement sa carrière politique au début des années 80...


Racing : des débuts pourtant prometteurs
Son implication au sein du club remonte au milieu des années 70 ; le Racing est alors au bord du dépôt de bilan et l'équipe est à la dérive. Le président du club Philippe Fass précise que « si André Bord ne nous avait pas soutenus moralement et financièrement, nous aurions mis la clé sous le paillasson. » Mais sur le terrain les choses ne s'arrangent pas, le club est relégué en D2 : « tout le monde se mêlait de tout. Aucune structure, aucune ligne de conduite, la pagaille à tous les niveaux ! » Tel est le commentaire d'un joueur du club, un certain Jacky Duguépéroux.
Il faudra donc la passion de deux hommes pour sortir le club de l'ornière : Alain Léopold et André Bord. Tandis que le premier – président courageux du club à partir de 1976 – parvient à attirer tant bien que mal des joueurs de bon niveau, le second convainc ses amis banquiers et ses collègues des instances politiques de renflouer les caisses vides : Bord met en avant la nécessité d'avoir une grande équipe de football dans la capitale européenne. On lui réplique que le soutien financier à une section professionnelle risque de porter préjudice aux sports amateurs... Mais finalement, soutenu par le maire Pflimlin (avec lequel il s'entendait pourtant très mal), Bord finit par obtenir l'argent nécessaire pour sauver le Racing.


Un club sur la voie du succès
Ne reste alors plus qu'à trouver un entraîneur capable de concrétiser la confiance née dans les coulisses. Léopold n'en voit qu'un : Gilbert Gress. Mais celui-ci est heureux en Suisse et ne tient pas à revenir dans « un club où c'est le bordel ». Là encore Bord agit dans l'ombre et Gress accepte finalement, après avoir obtenu les pleins pouvoirs sportifs.
Bord devient alors président général du club, Léopold restant président de la section professionnelle. On connaît la suite : en 1979 le titre est acquis à Lyon et le retour en train est triomphal dans toutes les gares de la région... mais Alain Léopold lui, reste sur le quai et démissionne. Bord est en effet de plus en plus omniprésent et Léopold, peu habitué aux joutes politiques et sentant le club lui échapper, renonce et laisse la voie libre à André Bord.

Cette démission paraît alors anodine tant l'entente entre Gress et Bord est parfaite. Inséparables, ces deux purs strasbourgeois se respectent et s'estiment mutuellement. Les années 80 semblent donc promises au Racing : l'équipe est solide, un stade moderne se construit, les structures sont stables, les finances sont saines et les ambitions sont européennes.


Le divorce fracassant
Malheureusement les choses se gâtent vite entre les deux hommes : élevés à l'ombre de la Meinau, ils réclament désormais chacun leur part de lumière. Gress s'agace donc de voir Bord présenter fièrement les installations du club à ses amis prestigieux, il se fâche lors d'un Sochaux - Strasbourg lorsque Bord remet en cause sa composition d'équipe et n'admet pas que le président lui impose des joueurs, même s'ils ont le talent d'un Carlos Bianchi.
Bord de son côté s'irrite de l'hypersusceptibilité de Gress et de son ingérence dans la gestion globale du club. Bref cette lutte de pouvoir et de prestige conduit peu à peu le club à la catastrophe du 23 septembre 80 (voir l'article : Divorce à l'alsacienne).

Le Racing entre alors dans une crise profonde et terriblement longue. Sur un plan personnel, la période est rude pour Bord, hué et malmené par une grande partie du public qui voyait en Gress le symbole indéboulonnable du titre de champion.Les coups de fils anonymes d'insultes et de menaces se multiplient, y compris à l'encontre de sa femme (!)

Pour les soutenir, le couple Bord - Heisserer peut compter sur ses amis parisiens et notamment sur Jacques Goddet, patron du Tour de France mais aussi de France-Football, qui consacre 4 pages - dont la couverture - à Francine Heisserer dans un numéro du magazine (du jamais vu pour la femme d'un président de club !). Bord tente ensuite de relancer le Racing mais le ressort est cassé à tous les niveaux (5ème en 1980, 10ème en 1982, relégué en 1986). Il démissionne en 1985 et propose la place à Daniel Hechter qu'il rencontre à Roland Garros : ce sera là sa dernière énorme erreur en tant que président de la section pro.


Conflit avec Proisy
Démissionnaire de la section pro, Bord reste néanmoins président du Racing Omnisports, ce qui lui permet de revenir dans l'actualité au moment où Mac Cormack rachète le club. La cession des parts de la ville entraîne en effet un changement de statut dans lequel le président de l'Omnisports a son mot à dire. Ces affaires de gros sous entraînent des négociations difficiles qui sabotent totalement la préparation de la saison 97/98. Alors que l'équipe de Duguépéroux reste sur une belle saison (coupe de la ligue, 6ème du classement), les longues tractations entre Bord, Patrick Proisy et Trautmann retardent le recrutement et gomment peu à peu la belle dynamique sportive. Bord s'est en fait battu pour obtenir de Proisy le maximum d'argent dans le but de soulager l'Omnisports, financièrement exsangue.


Le réseau Bord : ça passe encore ?
Quittant l'Omnisports en 1997, André Bord a récemment eu l'occasion de faire à nouveau jouer son réseau de connaissances - comme au bon vieux temps - pour régler le problème Hosni Abd Rabo, sans que l'on connaisse vraiment la portée de cette intervention sur le dénouement du dossier. Ce qui est certain en revanche, c'est la longue brouille avec le très rancunier Gilbert Gress. A tel point que lors de la grande fête organisée en 1989 pour commémorer le dixième anniversaire du sacre, il fallait choisir de convier soit Gress soit Bord. Inutile de préciser lequel des deux reçu son carton d'invitation...

De son côté, André Bord s'est peut-être senti très seul ce soir là, pour une fois.


Sources :
André Bord : un état d'esprit ; Dominique Wirtz-HaberMeyer (Le Verger Editeur - 1993) ;
Grandes et petites histoires du football alsacien ; Francis Braesch (LAFA - 1989) ;
Allez Strasbourg ! Christian Villa (Calmann Lévy - 1979) ;
Archives DNA et l'Alsace (printemps 1997).

filipe

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