Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Matchs à huis-clos : quel intérêt ?

Note
0.0 / 5 (0 note)
Date
Catégorie
Au jour le jour
Lectures
Lu 3.051 fois
Auteur(s)
Par fremen-bleu
Commentaires
4 comm.
125_2520.JPG
© line

A Bastia, le Racing disputera pour la seconde fois de son histoire une rencontre à huis-clos. Le football professionnel dans des stades vides. Quand ? Pourquoi ? Comment ? Et finalement, quel intérêt ?

Huis-clos : premières occurrences


Le 27 septembre 1974, l'OGC Nice de Dominique Baratelli et Marc Molitor reçoit le Nîmes Olympique de René Girard et Michel Mézy pour le compte de la 10ème journée du championnat de Première division. Interrompue après que le portier visiteur, Louis Landi, a été touché au visage par un pétard parti des tribunes, la rencontre sera rejouée le 5 novembre de la même année dans un stade du Ray vide. C'est la première fois qu'une telle mesure est prise par les instances du football professionnel français.

Il faut attendre plus de 25 ans pour que ce précédent soit mis à profit, et c'est le Racing qui s'y colle. Pour rappel, nous sommes le 21 décembre 2000 : après 67 minutes de jeu la lanterne rouge du championnat mène au score face au rival messin grâce à Danijel Ljuboja lorsqu'un pétard – encore un – éclate prêt de la juge de touche qui s'effondre. Nelly Viennot est évacuée sur une civière, la rencontre interrompue.

Il est décidé de faire rejouer la rencontre à la Meinau mais à huis-clos, au grand dam des Grenats qui dénoncent une décision « inventée par la commission de discipline de la Ligue, qui n'existe nulle part dans les textes ». Il faut dire que le FC Metz, pas encore sauvé, aurait bien aimé « avoir le gain du match sur tapis vert » comme l'avoue sans pudeur son directeur sportif de l'époque qu'intéressent bien plus les trois points que la perspective du huis-clos meinauvien. Pour l'anecdote c'est d'ailleurs le Racing qui, bien que battu sur un but de Philippe Gaillot lors du match rejoué, finira par obtenir sur tapis vert le gain devenu inutile de la rencontre.

Mais déjà se pose, moins anodine, la question de la légitimité de sanctionner un club pour les débordements de son public, à plus forte raison s'agissant d'un acte isolé et difficilement évitable. Ainsi, Patrick Proisy fait aveu d'impuissance : « on ne peut pas demander à un club de fouiller et de déshabiller 20 000 personnes pour trouver un pétard qui fait trois centimètres de long » avant de s'interroger sur la nécessité du huis-clos : « il n'y a pas de danger » .

Sanction ou mesure de sécurité ? Déjà difficile de trancher pour ces deux premières occurrences d'une pratique exceptionnelle qui semble vouée à le devenir de moins en moins.

Vers une banalisation du huis-clos ?


Depuis février 2005 et une partie contre Bastia disputée dans un Parc des Princes aux tribunes fermées, le huis-clos a ainsi été utilisé à huit reprises – neuf avec celle que s'apprête à disputer le Racing - dont la moitié pour la seule saison en cours. Paris (3 fois), Nice et Bastia (2 fois ; la première fois suite à ce qu'on a nommé les affaires Kébé et la banderole « on est pas raciste, la preuve on t'encule ») mènent la danse tandis que l'Olympique de Marseille et Metz ont eu à subir cette sanction à une seule reprise.

Si les origines de ces décisions peuvent différer – nous y reviendrons - elles présentent toutes une différence notable avec les deux exemples évoqués plus haut : ce ne sont plus des rencontres à rejouer qui sont interdites au public. L'Interdit touche dès lors un club qui peut n'avoir absolument rien à voir avec les raisons qui l'ont entraîné. Elles présentent également un point commun : c'est la commission de discipline de la Ligue qui décide.

« S'il faut des tribunes vides, il y aura des tribunes vides » (Brice Hortefeux).


Le récent Auxerre-PSG en quart de finale de Coupe de France constitue à ce jour la seule exception, puisque la tenue de ce match à huis-clos a été décrétée par le préfet de l'Yonne sur injonction du ministre de l'intérieur dont le discours, d'ailleurs, ne tranche pas avec celui tenu par Nicolas Sarkozy lorsqu'il occupait le même poste : « Nous préférons tous voir certaines tribunes vides que de les voir remplies avec des gens indésirables ». Il est vrai que, proche de la capitale, la ville bourguignonne a déjà été à plusieurs reprises le théâtre d'affrontements d'ampleur entre supporters parisiens. Le président de l'AJA regrette néanmoins cette mesure considérant que ça aurait dû le faire « avec toutes les mesures qui avaient été prises » quand bien même « le risque zéro n'existe pas ».

Si cette mesure est inédite, on peut se rappeler la fermeture temporaire et par décision préfectorale d'une partie de la tribune parisienne Boulogne en 2006 suite à la mort de Julien Quémener après une rencontre de coupe de l'UEFA contre l'Hapoël Tel-Aviv.

Les raisons invoquées : racisme et pyrotechnie.


Paris SG 1-0 Bastia (2004-2005) : ce huis-clos vient sanctionner la manifestation impressionnante des tribunes Auteuil et Boulogne contre la direction du club. Les tribunes s'embrasent, des fumigènes terminent leur course sur la pelouse, la rencontre doit être momentanément interrompue. François Ciccolini brisant le silence se fera pincer ce jour là en flagrant délit de mauvais goût « Cana, Albanais de merde ».

Nice 1-0 Auxerre (2005-2006 : l'utilisation de fumigènes retarde le coup d'envoi d'une rencontre contre l'AS Saint-Etienne.

Marseille 3-1 Auxerre (2006-2007) : un pompier niçois est blessé à la main par une bombe agricole lancée depuis le parcage des visiteurs marseillais.

Metz 2-1 Lorient (2007-2008) : février 2008, un spectateur de Saint-Symphorien insulte Abdeslam Ouaddou au cours d'un match contre Valenciennes, les mots viennent à l'oreille du défenseur marocain qui monte en tribune, l'affaire fait grand bruit. Or, le FC Metz était déjà sous le coup d'un sursis suite aux incidents qui avaient émaillé la victoire (historique) du Racing quelques mois plus tôt.

Montpellier 0-2 Nancy (2009-2010) : des supporteurs montpelliérains utilisent des fumigènes au stade du Ray avec pour conséquence une interruption de 22 minutes.

Nice 1-0 PSG (2009-2010) : des supporters niçois envahissent la pelouse à l'issue du derby Monaco-Nice, une partie d'entre eux se livre à des violences et des dégradations.

PSG 3-0 Boulogne (2009-2010) : fait suite à des incidents intervenus lors du PSG-OM de mars 2009. La Commission des Compétitions fixe l'application de cette sanction pour cette rencontre et le club parisien a disputé trois parties consécutives à huis-clos.

Sanction à l'encontre des Clubs concernés lorsque les supporters interfèrent avec le déroulement d'un match, l'ambition du huis-clos serait-elle d'intéresser les dirigeants à l'éradication des « pseudo-supporters » de leurs stades ? Une alternative au retrait de points que la Ligue a souvent – et vainement – tenté d'appliquer ? Des mesures « fumigènes » (beaucoup de fumée pour peu de feu) ?

Et à l'étranger ?


Les huis-clos font tout particulièrement florès en Italie depuis quelques saisons. Suite notamment à des manifestations racistes à l'encontre de joueurs de couleur (Ferdinand Coly quittant la pelouse face à l'Hellas Vérone, plus récemment la Juventus condamnée pour des insultes envers Balotelli de l'Inter) mais aussi en marge des affaires de corruption qui frappent le Calcio en 2005-2006 ou après les violents affrontements de Catane marqués par la mort d'un policier.

En Serbie, l'Etoile Rouge de Belgrade, qui n'est pas novice en la matière, vient d'être condamnée à disputer ses six prochaines rencontres de championnat sans son public. On recense des huis-clos en Suisse et récemment en Tunisie et en Algérie. En Allemagne, le Hertha Berlin a expérimenté – à l'instar de l'OM contre Sochaux – le huis-clos partiel. En coupe d'Europe également, le Dinamo Bucarest, l'Atletico Madrid ou l'Austria Vienne ont été condamné au huis-clos.

Dans un tout autre registre, et pour l'anecdote, on peut signaler des huis-clos pour cause de grippe H1N1 au Mexique.

Le huis-clos, le jeu et les joueurs.


L'une des bonnes raisons pour les dirigeants de Club d'exécrer le huis-clos est bassement financière, sans oublier le potentiel handicap sportif de ne pas avoir le soutien de ses supporters à domicile. Si un Ludovic Giuly peut se permettre d'ironiser en comparant l'ambiance d'un stade fermé à celle de ses années monégasques, l'ensemble des amoureux du ballon rond semble d'accord : « ça ne devrait même pas exister » (Geoffrey Dernis, Montpellier), « horrible » (Fabien Cool, Auxerre).

Au « le foot c'est une fête, un spectacle, un lieu où les gens se rencontrent » d'Antoine Kombouaré fait écho le « on joue au foot pour se faire plaisir et en donner. Là ce n'est plus possible, ce n'est plus du foot » du Nancéen Djamel Bakar.

Plus concrètement l'absence d'ambiance dans le stade a des conséquences sur le déroulement du jeu. « Quand tu es tout seul et que tu fais un appel de balle tu te fais tout de suite repérer » constate par exemple Bakar. Dernis relève la difficulté de rentrer dans le match et ça va jusqu'à Pascal Viléo, arbitre, qui remarque la difficulté pour les joueurs de « se transcender ». A lire les joueurs, un huis-clos ça ressemble désespérément à un match amical ou à un entraînement.

Hormis éventuellement quelques commentateurs tout heureux de pouvoir entendre les bruits en provenance du terrain, les avis semblent donc bien tranchés et quasi-unanimes : un stade plein c'est beaucoup mieux.

Concluons avec Jean Fernandez : « ce n'est pas en faisant des huis-clos qu'on va régler le problème ». Le huis-clos fait figure d'arme absolue en matière de sécurité dans les stade, vider les tribunes c'est aussi tuer le football de haut niveau.

fremen-bleu

Commentaires (4)

Flux RSS 4 messages · Premier message par guigues · Dernier message par knacki

Commenter


Connectés

Voir toute la liste


Stammtisch

Mode fenêtre Archives