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Alain Fontenla existe, nous l'avons rencontré ! C'est dans le bar d'un hôtel, autour de quelques verres, que nous avons pu discuter pendant près de 2h30 avec l'actionnaire majoritaire du Racing. Résumé de cet entretien exclusif.
C'est avec des références improbables pour illustrer ses propos - de Friedrich Nietzsche à Mohamed Ali, de Francis Fukuyama à Mère Teresa - qu'Alain Fontenla s'est adressé à nous. Parfois cynique, parfois drôle, d'un détachement étonnant par rapport aux événements et aux attaques dont il a été l'objet, l'actionnaire majoritaire du RCS est incontestablement un personnage atypique. Sur le fond, nous vous laissons juger...
Jean-Claude Plessis
Alain Fontenla : « Lorsque mon associé était à Toulouse afin de rencontrer Jean-Claude Plessis, il était justement au téléphone avec certains représentants du pôle d'Alsaciens qui lui déconseillaient fortement de venir à Strasbourg. Plessis s'occupera de la partie sportive. Quant à la partie économique et restructuration, nous nous en chargerons personnellement avec mon associé. J'ai toujours dit à Plessis et Janin que je ne me mêlerai jamais de la composition d'une équipe pour un match, de la position d'un joueur sur le terrain ou des méthodes d'entraînement. Je n'ai aucune compétence pour cela.
En ce qui concerne le recrutement il est évident que nous consulterons Plessis et Pascal Janin. Mais vous comprendrez que pour un sujet aussi sensible que le recrutement, qui engage la pérennité du club, nous ne pouvons laisser les "pleins pouvoirs" à personne. Avant d'engager un joueur, nous consulterons de nombreuses personnes qualifiées pour avoir leur avis.
Quant à la co-signature avec Christophe Cornélie pour les dépenses supérieures à 5000 Euros, Jean-Claude trouvait cela tout à fait normal. Cela permet de protéger tout le monde juridiquement. »
Jafar Hilali
AF : « Lui ne connaissait pas particulièrement le football et s'y intéressait comme tout le monde. Après les quatre mois qui viennent de s'écouler, il est devenu un véritable expert maintenant. Etant donné le contexte local extrêmement difficile, nous avons décidé d'un commun accord que c'est moi qui prendrait les coups et que lui resterait en retrait afin de travailler calmement. Avec le recul nous avons bien fait d'opter pour cette formule. »
Ralph Isenegger
AF : « Ralph est un avocat suisse très connu dans le monde du football. C'est d'ailleurs lui qui nous a mis en relation avec l'avocat de Ginestet pour la cession du club. Il est évident qu'il est loin d'être un Bisounours ! L'idée était qu'il nous mette son carnet d'adresse à disposition, et il faut admettre qu'il l'a fait.
Nous lui avons proposé une formule de collaboration bien précise : si grâce à lui nous parvenions à faire un bon mercato alors nous aurions envisagé de lui proposer une rémunération annuelle fixe contre laquelle il nous proposerait des joueurs dont la candidature serait examinée par les techniciens du club.
Malheureusement ,il a tenté à plusieurs reprises de nous imposer des joueurs (dont certains étaient peut être excellents) sans même nous prévenir et en mettant mes collaborateurs en difficulté. Nous l'avons informé que nous ne souhaitions plus collaborer avec lui.
Il revient régulièrement à la charge, essaye de s'imposer à l'usure mais cela ne marchera pas avec nous.
Maintenant, je ne peux pas empêcher Ralph Isenegger de venir à la gare avec des joueurs pour qu'ils se présentent chez nous ! Ceci dit, s'il nous propose un jour un excellent joueur et que tout le monde pense qu'il faut absolument le faire signer, c'est évident que je ne vais pas refuser sous prétexte que c'est Isenegger qui le propose. »
Luc Dayan
AF : « Luc Dayan est quelqu'un de très intelligent et très agréable, sans doute le type le plus brillant que j'ai rencontré dans le milieu du foot.
Je lui avais donné une feuille de route avec plusieurs objectifs à atteindre : faire en sorte que le passage devant la DNCG se déroule en douceur, on a tous vu ce que ça a donné. Faire en sorte aussi de donner des idées pour réduire les coûts de fonctionnement du club de 30%. Force est de constater qu'en trois mois il n'a strictement rien fait. Je ne suis pas Mère Teresa. J'estime que pour des résultats inexistants, les 100 000 Euro qu'il a touchés sont plus que suffisants. J'ai constaté que c'est un problème récurrent dans l'univers du football, beaucoup de gens doivent revenir sur Terre et réapprendre ce à quoi tous les salariés sont confrontés au quotidien : une obligation de résultat. »
Julien Fournier
AF : « Avec Julien cela s'est compliqué rapidement. Il a été recruté par Roman Loban, pas par moi. Quand tout a viré au pugilat avec les actionnaires alsaciens lors de la première rencontre, il a immédiatement décidé de rejoindre le camp de ceux qu'il jugeait les plus forts à ce moment-là. Par la suite, lorsqu'il a compris que le projet alsacien aurait des difficultés à se concrétiser financièrement, il est revenu vers nous. Nous avions même envisagé de le garder en poste mais il a décidé une nouvelle fois de miser contre nous. Nous avons dû l'écarter définitivement.
Je pense sincèrement que Julien Fournier pense beaucoup trop à son image et pas assez à sa mission qui était d'oeuvrer à la restructuration du club. Il souffrait d'une sorte de syndrome de Münchhausen par procuration, comme ces gens qui tabassent leurs gosses et foncent après aux urgences pour les sauver. Il a créé volontairement des situations inextricables, et a ensuite tenté d'apparaître comme le sauveur.
Il nous a proposé Jean-Pierre Papin comme entraîneur (qui avait d'ailleurs des conditions que nous ne pouvions accepter) pour ensuite le dissuader de venir.
Là encore, on revient sur un point évoqué précédemment : l'obligation de résultat et la loyauté. Par exemple il n'est pas normal de partir en congés pendant une semaine quand il y a le feu au Racing.
Ce qu'il restera du passage de Julien : environ 15 000 Euros de frais en hôtel, taxi, restaurant, etc. ; pour un mois de présence effective à Strasbourg. C'est dommage quand on connaît la situation financière du club. »
Les repreneurs alsaciens
AF : « Très honnêtement, j'en ai vu de belles dans le monde de la finance, qui est souvent très critiqué, mais des gens comme eux je n'en avais jamais rencontrés. Ces gens-là vous expliquent (alors même que vous avez investi 5 millions) qu'ils veulent prendre le contrôle du club immédiatement et payer plus tard s'ils en ont la possibilité. Le tout en se positionnant comme les garants de l'ordre moral. D'entrée, ils ont hurlé comme des furies et m'ont balancé à la tête que je n'étais pas Alsacien. Ils ont tout essayé pour nous détruire en nous calomniant. Tout ceci avec la partialité la plus totale de la presse locale bien entendu, ce qui n'a rien de surprenant quand on connaît les connections locales.
Nous avons opté dans un premier temps pour la méthode utilisée par Mohamed Ali dans son combat contre Georges Foreman au Zaïre en 1974. Foreman a cogné comme un forcené pendant plusieurs rounds, mais Ali encaissait et se reposait dans les cordes. Et au moment où Foreman était fatigué, Ali est sorti des cordes pour le mettre KO.
Je n'ai jamais été vendeur du club. Au début, j'ai annoncé que je partais et je leur ai laissé jusqu'au 25 décembre pour présenter une offre achat. Évidemment rien ne m'est parvenu. Ensuite je suis resté attentif aux offres, histoire qu'on ne dise pas que je suis fermé aux négociations, mais aucune offre sérieuse ne m'est parvenue. Du coup j'ai clos les débats définitivement dans la presse. La prétendue offre de 4.9 millions je l'attends encore.
Le plus amusant c'était de constater qu'ils n'étaient absolument pas d'accord entre eux. Ils passent leurs temps à nous dire que nous sommes des amateurs mais nous, nous n'avons pas eu besoin de discuter à trente pendant 3 mois pour trouver 5 millions.
Vous connaissez le livre de Francis Fukuyama La fin de l'histoire ? Je crois sincèrement que les "repreneurs" alsaciens sont une parfaite illustration de certains arguments de ce livre : leur système contient en lui-même ses propres contradictions qui les conduiront à l'implosion.
J'assume totalement d'avoir utilisé le mot "mafia" dans la presse. Il ne s'agit bien sûr pas de la mafia avec la connotation criminelle comme dans le Parrain, mais regardez la définition du mot mafia : groupement de personnes défendant par tous les moyens des intérêts personnels ou quelque chose comme ça... Et bien là, c'est tout à fait ça ! Quant à la "zone de non-droit", que penser des chantages aux subventions dont j'ai été l'objet de la part de certaines personnes qui ne sont absolument pas dépositaires de l'autorité publique ?
Vraiment, l'Alsace est une région très spéciale ! Mais je dois dire aussi avoir rencontré beaucoup d'Alsaciens très sympathiques et prêts à travailler avec moi. »
Son image de marque
AF : « Très franchement, je suis maintenant insensible à toute forme de pression. Les insultes, les articles, les banderoles, etc. C'est le prix à payer quand on se lance dans ce genre de projet.
Il faut dire aussi que c'est plus facile pour moi vu que je vis à Londres. Si j'habitais dans la région, ce serait invivable, effectivement. D'ailleurs, je me demande comment a fait Ginestet pour tenir aussi longtemps.
Quelqu'un comme Hervé Seck par exemple, qui est sur place, vit très mal toutes ces critiques. Lui il a à coeur de vouloir discuter, démontrer que ces critiques sont injustes... C'est dans son tempérament, et il en souffre. Dommage, il travaille énormément et a de bonnes idées. Mais il a un poste vraiment difficile...
Pour ma part, je ne suis pas ici pour soigner mon image et me faire mousser, mais pour mener à bien un projet. Je viens régulièrement à Strasbourg, mais en toute discrétion.
Expliquer mon projet aux médias, ce que je veux faire, comment je veux le faire ? A quoi cela sert ? Ils ont pris le parti de toujours nous critiquer. Il ne faut pas compter sur leur soutien. Ils sont un paramètre comme un autre.
Les supporters, ce qui les intéressent c'est d'avoir une équipe sur le terrain qui joue bien et obtient des résultats. »
Les supporters
AF : « J'ai pour projet de fermer le quart de virage pour y installer des loges...
Je rigole bien sûr !
Bien entendu que je suis à l'écoute des supporters ! Vous croyez que je ne les entends pas les UB90 quand ils me chantent d'aller me faire enculer ?
Cependant il faut comprendre que nous sommes aux commandes d'une entreprise de 130 salariés et qu'il ne nous est pas possible de prendre des décisions au gré des banderoles.
Bien sur que j'adore les tifo et les chants. Les torches, un peu moins, parce que chacune coûte à chaque fois 500 Euros au club, mais bon... le quart de virage est indispensable pour l'ambiance.
Je ne compte pas toucher aux symboles du club. Changer le logo ? Pourquoi faire ? Franchement, ça ne m'est pas venu à l'idée. Le maillot, bon je dois avouer que le maillot camouflage n'est pas très beau, il doit y avoir moyen de faire mieux... Concernant le prix des places, je ne me suis pas penché sur le dossier. Ce que je souhaite à terme, c'est que les bénéfices de la billetterie couvrent les frais de sécurité, de plus en plus coûteux, particulièrement à la Meinau du fait de sa structure fermée. Ce n'est pas le cas actuellement et ça peut impliquer une augmentation du prix des places d'ici quelques saisons. Mais rassurez-vous, je ne compte pas vendre les billets à 50 Euros comme en Angleterre ! Mais entre 50 Euros et 2,5 Euros pour certains billets actuellement, il y a une marge pour trouver un équilibre satisfaisant.
Un club de foot est une société qui doit être dirigée comme une société. Ce n'est pas une démocratie. Maintenant, il est normal que tout soit transparent et que les supporters soient informés des décisions du club ainsi que de l'utilisation des budgets. Je suis tout à fait disposé à leur fournir une place dans le Conseil de Surveillance dans des modalités à définir. »
Ses multiples désistements (au sujet de l'interview pour racingstub.com plusieurs fois reportée)
AF : « J'avoue que je suis quelqu'un de totalement bordélique. C'est pour cela que je vous ai oublié à plusieurs reprises. Une fois, j'avais rédigé les réponses à vos questions et je voulais faire un copier/coller mais j'ai perdu les réponses ! »
Ses motivations et la restructuration du club
AF : « J'ai racheté le Racing par pur plaisir. Et puis franchement, le Racing Club de Strasbourg, ce n'est pas n'importe quoi comme club ! Je fais tout ça par plaisir. Mais attention, le Racing n'est pas un jouet pour moi, mais un projet. Je ne peux pas considérer comme un jouet une structure comprenant un certain nombre de salariés. Si j'avais voulu un plan social, je l'aurais déjà fait. Tout le monde m'a conseillé de licencier 30 % du personnel.
Ce qui est bien quand on reprend un club de football, c'est qu'il y a une foule de gens prête à vouloir nous conseiller. D'ailleurs l'autre jour, il y a même IMG qui m'a appelé pour me conseiller sur la manière de diriger le Racing... C'est très facile de Londres de faire des coupes sur des tableaux Excel sur son ordinateur et de dire qu'il faut supprimer tel et tel poste. Maintenant, une fois qu'on est sur place, qu'on voit les gens qui travaillent ce n'est plus du tout la même chose. Il y a tellement de points sur lesquels on pourrait faire des économies ! Les voitures de fonction, les téléphones portables... L'idée est de couper les coûts pour ne pas couper les salariés. Et, croyez, moi, il y a une foule de gâchis énormes qui à la fin coûtent des millions d'euros au club.
Un des problèmes, qu'il convient de traiter en urgence, concerne les sources de revenu du Racing. En effet, des contrats ont été signés ces dernières années qui privent le club de toute nouvelle source potentielle de revenus, y compris concernant le sponsoring. C'est inacceptable. Tout sera fait pour y remédier.
Tous les contrats sont examinés dans les moindres détails car le Diable se cache dans les détails. »
Le centre de formation
AF : « Je compte le raser afin de bâtir un hôtel...
Plus sérieusement, le budget alloué au centre de formation sera le même que pour cette saison. Là encore, l'idée sera d'optimiser ces fonds, faire des économies en évitant le gaspillage et les dépenses inutiles. Je préfère dépenser l'argent dans un contrat pour un jeune footballeur que dans des frais de maintenance de congélateur ! »
Les objectifs sportifs
AF : « Si par malheur nous descendons en National, je resterai.
Ce serait évidemment une catastrophe et remettrait en cause beaucoup de choses, comme vous l'imaginez.
Maintenant, si nous nous maintenons, je souhaiterais monter en L1 dès la saison prochaine. Au pire, stabiliser le club en haut de classement pour monter dans deux saisons. Au-delà ça sera très dur, car la pérennité d'un club en Ligue 2 est quasiment impossible. En Ligue 1, là c'est vivable.
Le budget sera de 12-13 millions. Mais la problématique n'est pas budgétaire. En Ligue 2, ce qu'il faut, c'est monter une équipe de "warriors" avec des joueurs physiques qui en veulent. Vous avez vu jouer Metz ? Physiquement, ils sont impressionnants, ils ont la gnac.
Nous avons actuellement dans l'équipe 13 joueurs en fin de contrat, nous verrons au cas par cas. Même s'il ne m'appartient pas de composer l'équipe, j'avoue que ça me plairait bien d'avoir un joueur allemand dans l'équipe.
Une équipe c'est également un équilibre entre des jeunes joueurs et des plus anciens qui tiennent la baraque. »
Le Stade de la Meinau
AF : « J'ai particulièrement adoré le jour où on m'a menacé de me réclamer l'année de loyer non payée par Philippe Ginestet. Dix jours plus tôt, nous avions procédé au payement !
Maintenant, il y a quand même une anomalie : la location de la Meinau par la municipalité coûte dans les 650 000 Euros par an au club, sans compter divers frais. A titre de comparaison, Chaban-Delmas coûte 30 000 Euros par an aux Girondins de Bordeaux. Partout en France les clubs ne payent quasiment rien. Pourquoi pas chez nous ?
Et puis il y a tellement de choses à faire... regardez les loges ! C'est important les loges, car elles rapportent de l'argent au club. Certains sponsors paient plus de 1000 Euros pour un billet, il est donc normal que nous élevions notre niveau d'exigence dans ce domaine. »
Alain Fontenla met fin à notre entretien suite à un appel téléphonique.« C'était quand même bien ce match contre Metz, avec le stade bien garni, l'ambiance... En plus, il n'y avait personne pour me casser les pieds ! Pour la première fois j'ai pris du plaisir. »
Merci à Alain Fontenla. Entretien réalisé le 6 avril par conan et filipe.
Nous restons à la disposition des personnes citées dans l'article qui souhaiteraient s'exprimer à leur tour sur www.racingstub.com. (redaction@racingstub.com)
Jean-Claude Plessis
Alain Fontenla : « Lorsque mon associé était à Toulouse afin de rencontrer Jean-Claude Plessis, il était justement au téléphone avec certains représentants du pôle d'Alsaciens qui lui déconseillaient fortement de venir à Strasbourg. Plessis s'occupera de la partie sportive. Quant à la partie économique et restructuration, nous nous en chargerons personnellement avec mon associé. J'ai toujours dit à Plessis et Janin que je ne me mêlerai jamais de la composition d'une équipe pour un match, de la position d'un joueur sur le terrain ou des méthodes d'entraînement. Je n'ai aucune compétence pour cela.
En ce qui concerne le recrutement il est évident que nous consulterons Plessis et Pascal Janin. Mais vous comprendrez que pour un sujet aussi sensible que le recrutement, qui engage la pérennité du club, nous ne pouvons laisser les "pleins pouvoirs" à personne. Avant d'engager un joueur, nous consulterons de nombreuses personnes qualifiées pour avoir leur avis.
Quant à la co-signature avec Christophe Cornélie pour les dépenses supérieures à 5000 Euros, Jean-Claude trouvait cela tout à fait normal. Cela permet de protéger tout le monde juridiquement. »
Jafar Hilali
AF : « Lui ne connaissait pas particulièrement le football et s'y intéressait comme tout le monde. Après les quatre mois qui viennent de s'écouler, il est devenu un véritable expert maintenant. Etant donné le contexte local extrêmement difficile, nous avons décidé d'un commun accord que c'est moi qui prendrait les coups et que lui resterait en retrait afin de travailler calmement. Avec le recul nous avons bien fait d'opter pour cette formule. »
Ralph Isenegger
AF : « Ralph est un avocat suisse très connu dans le monde du football. C'est d'ailleurs lui qui nous a mis en relation avec l'avocat de Ginestet pour la cession du club. Il est évident qu'il est loin d'être un Bisounours ! L'idée était qu'il nous mette son carnet d'adresse à disposition, et il faut admettre qu'il l'a fait.
Nous lui avons proposé une formule de collaboration bien précise : si grâce à lui nous parvenions à faire un bon mercato alors nous aurions envisagé de lui proposer une rémunération annuelle fixe contre laquelle il nous proposerait des joueurs dont la candidature serait examinée par les techniciens du club.
Malheureusement ,il a tenté à plusieurs reprises de nous imposer des joueurs (dont certains étaient peut être excellents) sans même nous prévenir et en mettant mes collaborateurs en difficulté. Nous l'avons informé que nous ne souhaitions plus collaborer avec lui.
Il revient régulièrement à la charge, essaye de s'imposer à l'usure mais cela ne marchera pas avec nous.
Maintenant, je ne peux pas empêcher Ralph Isenegger de venir à la gare avec des joueurs pour qu'ils se présentent chez nous ! Ceci dit, s'il nous propose un jour un excellent joueur et que tout le monde pense qu'il faut absolument le faire signer, c'est évident que je ne vais pas refuser sous prétexte que c'est Isenegger qui le propose. »
Luc Dayan
AF : « Luc Dayan est quelqu'un de très intelligent et très agréable, sans doute le type le plus brillant que j'ai rencontré dans le milieu du foot.
Je lui avais donné une feuille de route avec plusieurs objectifs à atteindre : faire en sorte que le passage devant la DNCG se déroule en douceur, on a tous vu ce que ça a donné. Faire en sorte aussi de donner des idées pour réduire les coûts de fonctionnement du club de 30%. Force est de constater qu'en trois mois il n'a strictement rien fait. Je ne suis pas Mère Teresa. J'estime que pour des résultats inexistants, les 100 000 Euro qu'il a touchés sont plus que suffisants. J'ai constaté que c'est un problème récurrent dans l'univers du football, beaucoup de gens doivent revenir sur Terre et réapprendre ce à quoi tous les salariés sont confrontés au quotidien : une obligation de résultat. »
Julien Fournier
AF : « Avec Julien cela s'est compliqué rapidement. Il a été recruté par Roman Loban, pas par moi. Quand tout a viré au pugilat avec les actionnaires alsaciens lors de la première rencontre, il a immédiatement décidé de rejoindre le camp de ceux qu'il jugeait les plus forts à ce moment-là. Par la suite, lorsqu'il a compris que le projet alsacien aurait des difficultés à se concrétiser financièrement, il est revenu vers nous. Nous avions même envisagé de le garder en poste mais il a décidé une nouvelle fois de miser contre nous. Nous avons dû l'écarter définitivement.
Je pense sincèrement que Julien Fournier pense beaucoup trop à son image et pas assez à sa mission qui était d'oeuvrer à la restructuration du club. Il souffrait d'une sorte de syndrome de Münchhausen par procuration, comme ces gens qui tabassent leurs gosses et foncent après aux urgences pour les sauver. Il a créé volontairement des situations inextricables, et a ensuite tenté d'apparaître comme le sauveur.
Il nous a proposé Jean-Pierre Papin comme entraîneur (qui avait d'ailleurs des conditions que nous ne pouvions accepter) pour ensuite le dissuader de venir.
Là encore, on revient sur un point évoqué précédemment : l'obligation de résultat et la loyauté. Par exemple il n'est pas normal de partir en congés pendant une semaine quand il y a le feu au Racing.
Ce qu'il restera du passage de Julien : environ 15 000 Euros de frais en hôtel, taxi, restaurant, etc. ; pour un mois de présence effective à Strasbourg. C'est dommage quand on connaît la situation financière du club. »
Les repreneurs alsaciens
AF : « Très honnêtement, j'en ai vu de belles dans le monde de la finance, qui est souvent très critiqué, mais des gens comme eux je n'en avais jamais rencontrés. Ces gens-là vous expliquent (alors même que vous avez investi 5 millions) qu'ils veulent prendre le contrôle du club immédiatement et payer plus tard s'ils en ont la possibilité. Le tout en se positionnant comme les garants de l'ordre moral. D'entrée, ils ont hurlé comme des furies et m'ont balancé à la tête que je n'étais pas Alsacien. Ils ont tout essayé pour nous détruire en nous calomniant. Tout ceci avec la partialité la plus totale de la presse locale bien entendu, ce qui n'a rien de surprenant quand on connaît les connections locales.
Nous avons opté dans un premier temps pour la méthode utilisée par Mohamed Ali dans son combat contre Georges Foreman au Zaïre en 1974. Foreman a cogné comme un forcené pendant plusieurs rounds, mais Ali encaissait et se reposait dans les cordes. Et au moment où Foreman était fatigué, Ali est sorti des cordes pour le mettre KO.
Je n'ai jamais été vendeur du club. Au début, j'ai annoncé que je partais et je leur ai laissé jusqu'au 25 décembre pour présenter une offre achat. Évidemment rien ne m'est parvenu. Ensuite je suis resté attentif aux offres, histoire qu'on ne dise pas que je suis fermé aux négociations, mais aucune offre sérieuse ne m'est parvenue. Du coup j'ai clos les débats définitivement dans la presse. La prétendue offre de 4.9 millions je l'attends encore.
Le plus amusant c'était de constater qu'ils n'étaient absolument pas d'accord entre eux. Ils passent leurs temps à nous dire que nous sommes des amateurs mais nous, nous n'avons pas eu besoin de discuter à trente pendant 3 mois pour trouver 5 millions.
Vous connaissez le livre de Francis Fukuyama La fin de l'histoire ? Je crois sincèrement que les "repreneurs" alsaciens sont une parfaite illustration de certains arguments de ce livre : leur système contient en lui-même ses propres contradictions qui les conduiront à l'implosion.
J'assume totalement d'avoir utilisé le mot "mafia" dans la presse. Il ne s'agit bien sûr pas de la mafia avec la connotation criminelle comme dans le Parrain, mais regardez la définition du mot mafia : groupement de personnes défendant par tous les moyens des intérêts personnels ou quelque chose comme ça... Et bien là, c'est tout à fait ça ! Quant à la "zone de non-droit", que penser des chantages aux subventions dont j'ai été l'objet de la part de certaines personnes qui ne sont absolument pas dépositaires de l'autorité publique ?
Vraiment, l'Alsace est une région très spéciale ! Mais je dois dire aussi avoir rencontré beaucoup d'Alsaciens très sympathiques et prêts à travailler avec moi. »
Son image de marque
AF : « Très franchement, je suis maintenant insensible à toute forme de pression. Les insultes, les articles, les banderoles, etc. C'est le prix à payer quand on se lance dans ce genre de projet.
Il faut dire aussi que c'est plus facile pour moi vu que je vis à Londres. Si j'habitais dans la région, ce serait invivable, effectivement. D'ailleurs, je me demande comment a fait Ginestet pour tenir aussi longtemps.
Quelqu'un comme Hervé Seck par exemple, qui est sur place, vit très mal toutes ces critiques. Lui il a à coeur de vouloir discuter, démontrer que ces critiques sont injustes... C'est dans son tempérament, et il en souffre. Dommage, il travaille énormément et a de bonnes idées. Mais il a un poste vraiment difficile...
Pour ma part, je ne suis pas ici pour soigner mon image et me faire mousser, mais pour mener à bien un projet. Je viens régulièrement à Strasbourg, mais en toute discrétion.
Expliquer mon projet aux médias, ce que je veux faire, comment je veux le faire ? A quoi cela sert ? Ils ont pris le parti de toujours nous critiquer. Il ne faut pas compter sur leur soutien. Ils sont un paramètre comme un autre.
Les supporters, ce qui les intéressent c'est d'avoir une équipe sur le terrain qui joue bien et obtient des résultats. »
Les supporters
AF : « J'ai pour projet de fermer le quart de virage pour y installer des loges...
Je rigole bien sûr !
Bien entendu que je suis à l'écoute des supporters ! Vous croyez que je ne les entends pas les UB90 quand ils me chantent d'aller me faire enculer ?
Cependant il faut comprendre que nous sommes aux commandes d'une entreprise de 130 salariés et qu'il ne nous est pas possible de prendre des décisions au gré des banderoles.
Bien sur que j'adore les tifo et les chants. Les torches, un peu moins, parce que chacune coûte à chaque fois 500 Euros au club, mais bon... le quart de virage est indispensable pour l'ambiance.
Je ne compte pas toucher aux symboles du club. Changer le logo ? Pourquoi faire ? Franchement, ça ne m'est pas venu à l'idée. Le maillot, bon je dois avouer que le maillot camouflage n'est pas très beau, il doit y avoir moyen de faire mieux... Concernant le prix des places, je ne me suis pas penché sur le dossier. Ce que je souhaite à terme, c'est que les bénéfices de la billetterie couvrent les frais de sécurité, de plus en plus coûteux, particulièrement à la Meinau du fait de sa structure fermée. Ce n'est pas le cas actuellement et ça peut impliquer une augmentation du prix des places d'ici quelques saisons. Mais rassurez-vous, je ne compte pas vendre les billets à 50 Euros comme en Angleterre ! Mais entre 50 Euros et 2,5 Euros pour certains billets actuellement, il y a une marge pour trouver un équilibre satisfaisant.
Un club de foot est une société qui doit être dirigée comme une société. Ce n'est pas une démocratie. Maintenant, il est normal que tout soit transparent et que les supporters soient informés des décisions du club ainsi que de l'utilisation des budgets. Je suis tout à fait disposé à leur fournir une place dans le Conseil de Surveillance dans des modalités à définir. »
Ses multiples désistements (au sujet de l'interview pour racingstub.com plusieurs fois reportée)
AF : « J'avoue que je suis quelqu'un de totalement bordélique. C'est pour cela que je vous ai oublié à plusieurs reprises. Une fois, j'avais rédigé les réponses à vos questions et je voulais faire un copier/coller mais j'ai perdu les réponses ! »
Ses motivations et la restructuration du club
AF : « J'ai racheté le Racing par pur plaisir. Et puis franchement, le Racing Club de Strasbourg, ce n'est pas n'importe quoi comme club ! Je fais tout ça par plaisir. Mais attention, le Racing n'est pas un jouet pour moi, mais un projet. Je ne peux pas considérer comme un jouet une structure comprenant un certain nombre de salariés. Si j'avais voulu un plan social, je l'aurais déjà fait. Tout le monde m'a conseillé de licencier 30 % du personnel.
Ce qui est bien quand on reprend un club de football, c'est qu'il y a une foule de gens prête à vouloir nous conseiller. D'ailleurs l'autre jour, il y a même IMG qui m'a appelé pour me conseiller sur la manière de diriger le Racing... C'est très facile de Londres de faire des coupes sur des tableaux Excel sur son ordinateur et de dire qu'il faut supprimer tel et tel poste. Maintenant, une fois qu'on est sur place, qu'on voit les gens qui travaillent ce n'est plus du tout la même chose. Il y a tellement de points sur lesquels on pourrait faire des économies ! Les voitures de fonction, les téléphones portables... L'idée est de couper les coûts pour ne pas couper les salariés. Et, croyez, moi, il y a une foule de gâchis énormes qui à la fin coûtent des millions d'euros au club.
Un des problèmes, qu'il convient de traiter en urgence, concerne les sources de revenu du Racing. En effet, des contrats ont été signés ces dernières années qui privent le club de toute nouvelle source potentielle de revenus, y compris concernant le sponsoring. C'est inacceptable. Tout sera fait pour y remédier.
Tous les contrats sont examinés dans les moindres détails car le Diable se cache dans les détails. »
Le centre de formation
AF : « Je compte le raser afin de bâtir un hôtel...
Plus sérieusement, le budget alloué au centre de formation sera le même que pour cette saison. Là encore, l'idée sera d'optimiser ces fonds, faire des économies en évitant le gaspillage et les dépenses inutiles. Je préfère dépenser l'argent dans un contrat pour un jeune footballeur que dans des frais de maintenance de congélateur ! »
Les objectifs sportifs
AF : « Si par malheur nous descendons en National, je resterai.
Ce serait évidemment une catastrophe et remettrait en cause beaucoup de choses, comme vous l'imaginez.
Maintenant, si nous nous maintenons, je souhaiterais monter en L1 dès la saison prochaine. Au pire, stabiliser le club en haut de classement pour monter dans deux saisons. Au-delà ça sera très dur, car la pérennité d'un club en Ligue 2 est quasiment impossible. En Ligue 1, là c'est vivable.
Le budget sera de 12-13 millions. Mais la problématique n'est pas budgétaire. En Ligue 2, ce qu'il faut, c'est monter une équipe de "warriors" avec des joueurs physiques qui en veulent. Vous avez vu jouer Metz ? Physiquement, ils sont impressionnants, ils ont la gnac.
Nous avons actuellement dans l'équipe 13 joueurs en fin de contrat, nous verrons au cas par cas. Même s'il ne m'appartient pas de composer l'équipe, j'avoue que ça me plairait bien d'avoir un joueur allemand dans l'équipe.
Une équipe c'est également un équilibre entre des jeunes joueurs et des plus anciens qui tiennent la baraque. »
Le Stade de la Meinau
AF : « J'ai particulièrement adoré le jour où on m'a menacé de me réclamer l'année de loyer non payée par Philippe Ginestet. Dix jours plus tôt, nous avions procédé au payement !
Maintenant, il y a quand même une anomalie : la location de la Meinau par la municipalité coûte dans les 650 000 Euros par an au club, sans compter divers frais. A titre de comparaison, Chaban-Delmas coûte 30 000 Euros par an aux Girondins de Bordeaux. Partout en France les clubs ne payent quasiment rien. Pourquoi pas chez nous ?
Et puis il y a tellement de choses à faire... regardez les loges ! C'est important les loges, car elles rapportent de l'argent au club. Certains sponsors paient plus de 1000 Euros pour un billet, il est donc normal que nous élevions notre niveau d'exigence dans ce domaine. »
Alain Fontenla met fin à notre entretien suite à un appel téléphonique.« C'était quand même bien ce match contre Metz, avec le stade bien garni, l'ambiance... En plus, il n'y avait personne pour me casser les pieds ! Pour la première fois j'ai pris du plaisir. »
Merci à Alain Fontenla. Entretien réalisé le 6 avril par conan et filipe.
Nous restons à la disposition des personnes citées dans l'article qui souhaiteraient s'exprimer à leur tour sur www.racingstub.com. (redaction@racingstub.com)
