Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

René Hauss : « Le Racing, je l'adorais »

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René Hauss, joueur légendaire du Racing, est décédé ce lundi à l'âge de 82 ans.

Mise à jour du 07/12/2010 : décédé ce lundi soir, René Hauss avait accordé à racingstub.com une longue interview en 2006, à l'occasion du centenaire du RCS.
Pour saluer sa mémoire, nous avons souhaité publier à nouveau en Une du site cet entretien au cours duquel il était revenu, avec chaleur et passion, sur sa longue et belle carrière.
L'équipe de racingstub.com adresse ses plus sincères condoléances à ses proches, et en particulier à son épouse.



A l'occasion du centenaire du Racing, entretien avec celui qui fut capitaine du club pendant 13 ans et qui détient le record du plus grand nombre de rencontres disputées sous le maillot bleu et blanc.

Monsieur Hauss, comment êtes-vous arrivé au Racing ?
En 1948 j'étais militaire en Allemagne. J'y ai reçu un jour une lettre du Racing Club de Strasbourg me disant qu'on avait entendu parler de moi et que le club souhaitait me voir participer à un match amical avec l'équipe réserve.
J'étais aux anges en découvrant cela car le Racing, je l'adorais et j'étais en admiration devant les Heisserer, Paco Matéo et tous les autres joueurs à chaque match à la Meinau. J'avais même la photo de l'équipe finaliste de la Coupe de France 1947 au dessus de mon lit au camp militaire. Et là on me donnait l'occasion de rejoindre le club !
Je suis allé voir mon colonel pour obtenir l'autorisation. Il a accepté de me laisser partir disputer cette rencontre mais à une condition... que je lui rapporte de la saucisse d'Alsace !
Je suis donc allé à la Walck dans ma tenue de troufion pour jouer ce match. J'ai disputé une mi-temps après laquelle les dirigeants m'ont dit « c'est bon tu signes chez nous ».
J'ai été démobilisé le 25 juin et le 1er juillet je pouvais rejoindre le Racing.

Comment ont été vos premiers pas ?
A cette époque, quand on débutait, on jouait automatiquement comme amateur ; je touchais alors environ 150 Frs, c'est-à-dire l'équivalent d'un ouvrier qualifié ou d'un contremaître.
Ensuite les meilleurs des amateurs avaient le droit de s'entraîner avec les professionnels quand ceux-ci en avaient besoin. Je n'avais aucun contrat même si je recevais tout de même un petit salaire.
Un problème se posait donc par rapport à la sécurité sociale puisque nous ne pouvions pas être assurés en tant que joueurs. Pour contourner le problème le Racing m'a donc déclaré comme aide gardien du terrain. C'était ça mon statut au club pendant plus d'un an et demi.

Parlez nous des joueurs avec qui vous avez débuté
J'ai eu la chance de jouer avec Paco Matéo et Oscar Heisserer. C'était des joueurs extraordinaires, ils savaient tout faire mieux et plus vite que les autres, ils avaient une intelligence technique et de jeu formidables. Avec Ernst Stojaspal, ce sont les plus grands joueurs de l'Histoire du Racing, incontestablement.
A mes débuts je me rappelle avoir été tellement impressionné par ces joueurs que j'admirais, que je n'osais pas les approcher, encore moins les tacler à l'entraînement. Les choses ont beaucoup changé aujourd'hui mais avec les autres jeunes amateurs de mon époque, nous avions un énorme complexe par rapport aux joueurs professionnels.

Vous rappelez vous de votre premier match ?
Bien sûr ! c'était à Marseille, je jouais arrière droit. Faut dire que quand j'étais enfant à Lingolsheim je jouais avant-centre mais en arrivant à Strasbourg on m'a dit qu'il fallait quelqu'un au poste d'arrière droit, c'est donc là que j'ai joué.
Mais plus tard j'ai aussi évolué au milieu de terrain, en ailier droit, en attaque mais aussi comme gardien de but à 2 ou 3 reprises, quand Lucien Schaeffer, notre gardien, était blessé.
Et pour ce premier match à Marseille, j'avais en face de moi l'ailier gauche Georges Dard qui était international français et qu'on surnommait « l'enfant terrible de la Canebière ». Je peux vous dire que je n'étais pas très rassuré surtout que l'ambiance était déjà impressionnante en ce temps là.
Et dès le début du match Georges Dard m'a asséné un coup de coude dans le creux de l'estomac qui m'a mis à moitié KO. Ensuite sur chaque touche et dans chaque contact, il me marchait sur les pieds. Moi je n'osais pas réagir...
A la mi-temps l'entraîneur Charles Nicolas – qui était un fin psychologue – m'a pris à part pour me dire de réagir. S'il avait pu me changer je pense qu'il l'aurait fait mais à cette époque les changements n'étaient pas encore autorisés. Les autres joueurs m'ont également un peu secoué en me disant qu'ils ne me reconnaissaient pas. Tout ça m'a touché dans mon orgueil et je me suis dit « bon sang, c'est vrai, vas-y ! »... La deuxième mi-temps s'est beaucoup mieux passée et nous avons fait match nul 2-2.
Vous savez c'est comme ça que nous apprenions le métier. Aujourd'hui les jeunes connaissent déjà toutes les ficelles du métier, ils savent très vite mettre le pied, ils possèdent rapidement un bagage que nous autres apprenions beaucoup plus progressivement.

Vous êtes resté 20 ans à Strasbourg mais vous auriez pu quitter le club à de nombreuses reprises, n'est-ce pas ?
Oui, dès ma seconde saison comme amateur le grand Stade de Reims m'a contacté. J'avais donc envoyé ma démission à Strasbourg en tant qu'amateur, mais j'ai été convoqué par le club qui m'a dit que je devais rester au Racing car j'avais signé un contrat de non sollicitation. A cette époque on était lié au club jusqu'à l'âge de 35 ans et on ne pouvait uniquement partir que si le club le voulait. Les « contrats à temps » n'existaient pas.
Ensuite en 1952 Bordeaux souhaitait également m'engager, ils étaient alors champions de France en titre. Je me mets d'accord avec les dirigeants girondins, mais il fallait encore que les deux clubs s'arrangent entre eux.
J'ai attendu et en ne voyant rien venir je suis finalement resté à Strasbourg : lors de notre match à Bordeaux j'y croise le président girondin qui m'a dit « toi tu es un drôle de bonhomme, tu nous donnes ton accord et finalement tu changes d'avis ».
En fait c'était le président du Racing, Monsieur Heintz, qui avait fait croire aux Bordelais que je ne voulais plus les rejoindre, ce qui était faux !

Vous auriez pu les rejoindre la saison suivante ?
Oui, finalement je me suis mis à nouveau d'accord avec Bordeaux pour les rejoindre la saison suivante. C'est d'ailleurs à ce moment là, en 1952, que j'ai reçu une convocation pour jouer en équipe de France B.
Malheureusement en mars de cette année, lors d'un match à Angers, je me suis fracturé la malléole et le péroné. A Angers, les médecins voulaient que je reste à l'Hôpital mais il n'en était pas question, je voulais absolument rentrer avec mes coéquipiers en Alsace.
J'ai donc voyagé avec ma jambe fracturée toute la nuit en bus jusqu'à Paris où nous avons pris le train, après plusieurs changements de gare.
Les médecins angevins m'avaient fait une entaille dans mon plâtre pour que la douleur soit moins insupportable pendant le trajet, mais je peux vous dire que le voyage a vraiment été long.

Cette blessure arrivait au plus mauvais moment...
Pire que ça ! quand je suis arrivé à Strasbourg j'ai tout de suite passé des radios. On m'a ensuite laissé sur un brancard devant le bureau du médecin dont la porte était entre-ouverte. Je pouvais donc entendre la conversation entre lui et un des dirigeants du club. Quand ce dernier lui a demandé dans combien de temps je pourrais rejouer, le médecin lui a répondu : « pour René c'est fini, il ne jouera plus jamais ». Vous imaginez dans quel état j'étais en entendant cela.
Ensuite j'étais tellement malheureux que j'ai refusé de manger pendant 2 jours. Le médecin est donc venu me voir et quand je lui ai dit que j'avais tout entendu, il est devenu blanc comme le linge de mon lit ! Il s'en est voulu et à partir de ce jour nous sommes devenus amis : il m'a soigné, venait même à la maison pour m'aider. Finalement au bout de deux ans, j'ai pu recommencer à jouer.
Ce que je dois dire aussi c'est que pendant cette période, le club a été très correct en me versant toujours mon salaire, mais aussi les primes.

Malgré cette blessure vous avez tout de même réussi à jouer jusqu'à 39 ans
J'ai eu la chance d'avoir une très bonne condition physique qui m'a permis de jouer très longtemps. Il faut dire que j'avais passé mes diplômes d'entraîneur dès l'âge de 33 ans et que le Racing m'avait proposé à ce moment là de devenir entraîneur-joueur. J'ai refusé : pour moi, on est soit joueur, soit entraîneur mais pas les deux. Le club a donc préféré pendant 5 ans me garder comme joueur parce que je pouvais encore rendre des services sur le terrain.
D'ailleurs je me rappelle que dans cette période, quand je faisais quelques mauvaises passes, j'entendais dans les tribunes des « Hauss à la retraite ! », et quand, dans le même match, je parvenais à déborder, faire un bon centre ou tirer au but j'entendais ces mêmes gens crier « René ! René ! René ! Il est encore là le vieux ! »
Finalement j'ai joué jusqu'à 39 ans, moment où je suis devenu entraîneur de l'équipe première. Jusque là j'avais déjà entraîné les équipes de jeunes du club. Une année j'ai entraîné l'équipe des cadets du Racing où figurait Gilbert Gress, Gérard Hausser et Robert Wurtz, le futur arbitre.

Finalement c'est en 1968 que vous quittez le Racing
J'ai été contacté par le Standard de Liège qui avait une très belle équipe et un stade avec 20000 abonnés.
Je vais donc voir le président Heintz dans son entreprise à Bischheim pour lui annoncer mon départ. Quand je lui ai dit, il s'est tout de suite fâché et m'a traité de traître. J'ai essayé de lui expliquer que j'avais besoin d'accumuler de l'expérience, de vivre autre chose et que je pourrais revenir ensuite au Racing... « Tant que je serai là, tu ne mettras plus les pieds à la Meinau ! » m'a-t-il dit. « Va-t-en tu n'es plus mon fils ! »
J'avais 40 ans et il me parlait comme ça... Il faut dire que Joseph Heintz comptait sur moi, il voulait construire autour de moi. Il me considérait comme son second fils.
Je ne vous cache pas qu'encore aujourd'hui ça me fait quelque chose d'en parler...

Est-il resté fâché longtemps ?
Non finalement les choses se sont arrangées. Je l'ai revu quelques temps plus tard et quand il m'a vu, il s'est écrié : « ah c'est toi gamin ! »
Pour l'anecdote, sachez que ce fameux soir où j'ai annoncé mon départ, le fils du président Heintz m'a appelé catastrophé pour me dire que son papa était dans tous ses états. Et c'est à ce moment qu'il m'a appris que c'était le jour même de son anniversaire ! je l'ignorais totalement sinon j'aurais attendu un peu pour lui annoncer mon départ.

Finalement avec vos passages à Liège, Sochaux et au Matra Racing, vous n'êtes jamais revenu entraîner Strasbourg.
J'ai été contacté à l'époque où j'étais à Sochaux, mais vous savez on n'est jamais prophète en son pays...

Parlez nous de la tactique de l'époque
Tout a tellement évolué... Dans les années 50-60, les défenseurs étaient moins nombreux et moins efficaces. Aujourd'hui un bon défenseur doit être solide mais doit aussi savoir monter en attaque quand il le faut.
Je me rappelle qu'en 1960, quand Emile Veinante était l'entraîneur, il m'interdisait de franchir la ligne médiane. Comme je désobéissais, il m'a obligé à payer 20 Frs d'amende à chaque fois que je montais en attaque : à la fin de chaque match, il venait me voir pour faire le compte de ce que je devais payer.
Pour moi c'était un vrai problème car j'aimais utiliser ma vitesse pour attaquer, tirer au but ou centrer vers Edmond Haan qui plongeait dans l'axe, à partir de l'autre côté du terrain.
Mais Veinante avait une conception tactique à l'ancienne : s'il avait pu tracer des traits sur le terrain pour délimiter nos zones respectives de jeu, il l'aurait fait.
Heureusement les choses se sont ensuite arrangées avec Humpal qui est venu au club comme entraineur-joueur. Lui, il m'encourageait à monter en attaque. Il faut dire qu'avec sa magnifique technique et sa frappe de balle remarquable, il était capable de me donner parfaitement le ballon à chaque fois que je partais en profondeur pour déborder l'adversaire. Une saison j'ai pu marquer 5 ou 6 buts comme cela.

Vous savez, tactiquement la France a toujours été à la traîne. Quand je suis devenu entraîneur je suis allé voir Hennes Weisweiler, l'entraîneur de Moenchengladbach avec qui j'ai parlé football pendant 8 jours. Je restais chez lui jusqu'à 5 heures du matin pour parler tactique et apprendre le maximum de choses.
Pour vous dire le retard que nous avions en France, je me rappelle d'une finale de Coupe de France que je regardais à la télé avec mes joueurs à Liège. A la mi-temps, certains d'entre eux sont partis tellement ils s'ennuyaient.
A Strasbourg, on avait commencé à parler tactique assez rapidement grâce à Paul Frantz en 1964 : sans cela, nous n'aurions jamais eu nos résultats en Coupe d'Europe contre Milan ou Barcelone. Avant l'arrivée de Frantz, on se contentait de repérer et marquer le meneur de jeu adversaire et on faisait attention aux bons joueurs de tête sur les coup francs et corners, c'était tout...
Avec lui on aurait pu devenir champion de France aussi, mais les matchs européens nous ont pris toute notre énergie cette saison là : 3 jours après nos deux matchs à Barcelone – le match retour et le match d'appui- on jouait de nouveau à Bordeaux. On a fini la saison complètement cuits.

Au niveau du matériel, les choses ont également beaucoup changé
Oh ne m'en parlez pas ! les ballons avec lesquels on jouait étaient en cuir : quand on les prenait mal de la tête, ils nous mettaient pratiquement KO.
D'ailleurs quand il pleuvait fort, les ballons se comportaient comme des éponges car ils aspiraient l'eau. Du coup le concierge devait les dégonfler à chaque fois après l'entraînement pour éviter qu'ils se déforment puis il les regonflait : cela lui prenait des heures !
Pour les maillots, nous n'avions généralement que deux jeux de maillots par saison. S'ils se déchiraient, c'était la femme du concierge qui les reprisaient.
Et à la fin de la saison, les maillots étaient donnés pour les matchs de l'équipe réserve.

Un mot sur l'ambiance à la Meinau
Dans les années 50-60, l'ambiance était bien plus calme que maintenant, tout du moins en début de match. Les spectateurs applaudissaient mais il fallait leur donner quelque chose à « manger » pour qu'ils s'enthousiasment vraiment. Cependant quand le match se passait bien, l'ambiance était déjà très belle.
Par contre en cas de mauvaise performance, on ne nous loupait pas. Les sifflets, on y avait droit. Mais je trouve ça normal, ça fait partie d'un spectacle sportif, ce sont des sifflets collectifs, ce n'est pas les mêmes sifflets que pour un chanteur par exemple.

Est-ce que cela vous encourageait à plus vous battre ?
Je pense, oui. Quand j'étais entraîneur je disais à mes joueurs que le spectateur veut avoir du spectacle pour le prix qu'il a payé, et que c'est uniquement à cette condition qu'il va les soutenir à long terme. Mais le joueur lui se dit que pour être bien dans son match, il lui faut justement les encouragements du public.
Alors qui doit faire le premier pas ?

Que pensez-vous de l'effectif actuel du Racing ?
A l'intersaison la plupart des joueurs expérimentés sont partis, c'est vraiment dommage pour les jeunes de l'équipe, c'est un vrai problème. Pour les jeunes du centre de formation qui ont déjà un bagage de footballeur impressionnant, il leur faut du temps pour qu'ils puissent mûrir progressivement.
Pour apprendre correctement toutes les ficelles du métier, il n'y a pas de secret, ils doivent être entouré de joueurs d'expérience, d'anciens qui les acceptent bien et les guident, qui leur donnent l'exemple. A Strasbourg, il n'y a pas beaucoup de guides.
Mais il y a vraiment du talent, si ça mûrit bien, cela peut donner quelque chose de très bon pour demain.

Merci à René Hauss pour sa disponibilité et sa confiance.
Retrouvez sa "légende" ici.

https://racingstub.com/ressources/photos/001/_min500/dedicace-hau...

filipe

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