Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Insulaires de rien

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Par matteo
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Après l'OTAN et les anti-OTAN, ce sont les Corses de l'AC Ajaccio qui débarquent ce dimanche à la Meinau. Mais qu'ont bien pu faire les pauvres Strasbourgeois pour mériter cela ?

(NDLR : cet article fait partie d'une série d'articles au ton décalé et résolument second degré. A lire avec précaution et humour !)

Grandeur et décadence. C'est la thématique à laquelle le Racing Club de Strasbourg (56 saisons en D1, champion de France 1979, vainqueur de la Coupe de France 1951, 1966 et 2001, vainqueur de la Coupe à Frédo 1997 et 2005) est une nouvelle fois confronté ce dimanche avec la réception des Corses de l'AC Ajaccio.
Souvenez-vous : il y a trente ans, lorsque, le voyant enfiler son bonnet et son écharpe aux couleurs du RCS, sa chère et tendre lui demandait le nom de l'adversaire du jour, le supporter strasbourgeois moyen pouvait répondre avec fierté : « ce soir, on joue contre Ajax, yo ! ».
Aujourd'hui, s'il se fait capter en tentant de quitter subrepticement le domicile, son maillot floqué Romulo caché sous une épaisse veste, il est obligé de baisser les yeux devant les sourires narquois et de bredouiller : « ce soir, on joue contre Ajaccio ».
(Bref intermède linguistique à destination des lecteurs peu au fait des us et coutumes alsaciens et des quelques Corses qui se seraient égarés sur cette page : non, malgré le passage météorique de Chahir Belghazouani, l'Alsace n'est pas devenue un haut lieu du rap hardcore – l'interjection « yo », utilisée à toutes les sauces par les Alsaciens de souche, ponctue traditionnellement entre Vosges et Rhin les trois quarts des phrases, à l'instar de ses équivalents méridionaux « cong », « té » et « peuchère ».)

Un article pas très sympa sur l'AC Ajaccio, donc. Diantre. S'il est vrai qu'il est facile de faire rire grassement aux dépens de Troyes, Sedan ou Boulogne (ah ah ah) sans craindre de retour de bâton fâcheux, s'attaquer à un club corse s'avère beaucoup plus délicat. Et, de fait, peu désireux d'hypothéquer la qualité d'un éventuel prochain séjour sur l'Ile de Beauté en froissant la susceptibilité réputée chatouilleuse des autochtones, l'auteur de ces lignes s'attachera à caresser la sensibilité insulaire dans le sens du poil, en évitant les fautes de goût et les mots tabous tels que FLNC, cagoule, plasticage, Colonna, SNCM, impôt révolutionnaire, fromages forts et Tino Rossi.


Ile de Beauté vs Iles Kirch


Il ne faut jamais se fier aux apparences. Car si, à première vue, rien ne ressemble moins à Hunspach que Cargèse (et inversement), l'Alsace et la Corse ont cependant de nombreux points communs : régions situées aux confins de la nation, ayant trop longtemps subi l'influence de puissants voisins pour ne pas paraître suspectes et se considérant (à tort ou à raison) comme ignorées, méprisées ou incomprises par le pouvoir parisien, lequel, confit dans ses certitudes, considérera toujours avec condescendance comme du folklore désuet ce qui en réalité fait l'âme de ces provinces reculées.

Les tempéraments ne sont certes pas les mêmes, ce que traduit d'ailleurs la géographie : si l'Alsace semble tirer timidement la langue en direction de Paris par l'intermédiaire de l'Alsace Bossue, la Corse, elle, dresse ostensiblement son Cap Corse en direction du continent, à la manière d'un doigt d'honneur destiné aux « pinzu ».
N'oublions pas non plus qu'il s'agit de régions composées uniquement de deux départements (les autres étant la Haute-Normandie et le Nord-Pas-de-Calais, mais tout le monde s'en fout). Les Corses ont donc leurs Norinois, qui sont au Nord, et leurs Barinois, qui sont au Sud. Ils ont aussi leurs Vosgiens, qu'ils appellent « Sardes ».

La Corse et l'Alsace partagent également une sensation extrêmement étrange : celle de parfois glisser dans une faille spatio-temporelle où, à la manière du « Maître du Haut Château » de Philip K. Dick, l'issue de la dernière guerre mondiale n'aurait pas été celle que nous connaissons.
En effet, quelle autre conclusion tirer au vu du nombre de BMW et de Mercedes immatriculées à Munich et à Berlin rejoignant Savone ou Livourne pour s'embarquer vers Bastia et Porto-Vecchio une fois l'été venu ? Que penser des « Metzgerei » et de magasins « Spar » qui poussent comme des champignons sur l'île de Beauté ? La seul évocation de ces hordes de Teutons en tongs fait parcourir des frissons sur l'échine des Alsaciens qui savent, eux, ce que c'est que de se voir refouler le samedi soir à l'entrée des restaurants du Kochersberg alors que des salles archicombles ne parviennent que des éclats de voix en Hochdeutsch, ou de se retrouver au pas sur l'A35 le 3 octobre, coincé entre une Porsche Cayenne « BAD » (non, rien à voir avec Chahir) et une Audi break « OG » dont le coffre est rempli de caisses de grands crus bordelais achetés à la Foire aux Vins d'Auchan.
Alsace – Corse, même combat.


Ajaccio assez ?


Allez comprendre quelque chose au football ajaccien. Comment une ville à peine plus grande que Haguenau a-t-elle pu engendrer ce foutras inextricable de clubs de foot ? L'AC Ajaccio est né en 1910 et est le premier club corse à atteindre l'élite professionnelle. Il évolue en D1 entre 1967 et 1973 avant de disparaître inexplicablement de la circulation, puis de renaître de ses cendres et de retrouver la L1 en 2002. A peu près en même temps que l'ACA apparaît la Jeunesse Sportive Ajaccienne, à laquelle succède en 1933 le FC Ajaccio, qui deviendra le rival historique des « Ours ». En 1960, la fusion entre le FCA et le clubs des agents EDF-GDF de la ville donne naissance au Gazélec Football Club d'Ajaccio, qui devient le premier club insulaire à participer aux 32ème de finale de la Coupe de France en 1961. Et en 1996, le GFCA fusionne avec l'Olympique d'Ajaccio pour s'appeler GFCOA. Ouf !

Aujourd'hui ne subsistent plus que deux clubs de haut niveau, l'AC Ajaccio « canal habituel » en L2 et le GFCOA « canal historique » en National. Pas mal pour une ville de cette taille.
Une belle preuve de la vitalité du football corse qui, avec une population totale inférieure à celle de Strasbourg intra-muros, place deux clubs en L2 et un autre en National. Il n'est que temps de délocaliser l'Alsace au milieu de la Méditerranée.

Un nombre étonnamment élevé de joueurs ont évolué sous les couleurs du Racing et de l'ACA (ils sont d'ailleurs encore trois dans l'effectif actuel : Marcos, Bezzaz et Klein). On remarquera que le RCS a été systématiquement dégueulasse avec Ajaccio, n'hésitant pas à lui refourguer des marchandises aussi avariées que Bagayoko ou Chapuis, alors que les derniers éléments arrivés de l'ACA au RCS s'appellent Rodrigo et Marcos (en prêt avant de les vendre ailleurs, ce qui, à la réflexion, est tout aussi dégueulasse).

On signalera enfin que Claude Le Roy fut un élément important de l'équipe ajaccienne du début des années 70 (c'est probablement sur la plage de Porticcio qu'il recueillit la méduse qui lui sert depuis lors de chevelure).


La bouille à Debes


Et c'est vrai que ça doit être chouette d'être footballeur à Ajaccio : on les imagine, faisant leur footing au milieu des algues et des coraux et faisant leurs pompes sur les restes d'un vieux cargo, le long le long le long du golfe pas très clair d'Ajaccio (tandis qu'au large les barges se gondolent dans le roulis).

Mais force est de reconnaître qu'on est déçu à la lecture des noms qui composent l'effectif acaïste : où sont passés les Sansonetti, Olmeta, Orlanducci, Marchioni, Gentili, Papi, Nativi qui faisaient le cauchemar des adversaires amenés à se rendre sur l'Ile de Beauté ? Il est vrai qu'en ces temps post-bosmaniens de football-business mondialisé et tiédasse, un match à Ajaccio ou à Bastia fait aussi peur qu'un déplacement à Laval ou à Châteauroux. Ca doit être ça, la modernité.

Cette même modernité qui veut que le seul véritable Strasbourgeois sur le terrain dimanche soit... le gardien de l'ACA, Thierry Debes, une vieille connaissance du Stade de la Meinau, qui aura également l'occasion de découvrir le perfide Darbion, annoncé cette hiver comme une potentielle recrue alsacienne, et de redécouvrir l'inénarrable Abou.
Par contre, rendez-vous encore raté entre le public alsacien et l'énigmatique Leyti N'Diaye, qui, s'il fait le déplacement, pourra tout de même claquer un bécot à Emil Gargorov, son compagnon d'infirmerie de la saison 2006-07. Peut-être même se dédicaceront-ils leurs cataplasmes respectifs.

On note par ailleurs dans l'effectif ajaccien un nombre supérieur à la moyenne de joueurs pressentis dans leur prime jeunesse comme de futurs bons joueurs de L1 et qui n'ont pas réussi à passer la vitesse supérieure (Asuar, Viale, Uras, Medjani, Cantareil). L'ACA, un futur port d'attache pour Sidi Keita, Ricardo Faty ou Rudy Carlier ?

Postée à la onzième place, l'équipe de Pantaloni ne semble plus avoir grand chose à craindre ni à espérer dans ce championnat de L2 Orange. Raison de plus pour nous laisser sans trop insister les trois points, en espérant que les Ajacciens puissent se souvenir que c'est le Racing qui avait précipité leurs ennemis héréditaires du SC Bastia dans les abîmes de la Ligue 2.
Ne dit-on pas des Corses : « frères à Paris, cousins à Marseille, ennemis à Bastia » ?
Il temps de prouver que, pour une fois, un cliché sur la Corse n'est pas erroné : amis ajacciens, en hommage à notre amitié anti-bastiaise, laissez-nous gagner, e basta !

matteo

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