La renaissance de Gargorov

L'homme providentiel ?

Été 2006. Au terme d'une saison catastrophique, le Racing est relégué en Ligue 2 et, comme il en est souvent de coutume, se voit amputé d'un grand nombre de joueurs, notamment sur le plan offensif. Ainsi, l'effectif des milieux de terrain capable d'animer le jeu est fortement diminué par les départs notamment d'Ulrich Le Pen et des frères Farnerud. C'est donc un grand renouvellement de joueurs qui se profilent, devancé déjà par la nomination d'un nouvel entraîneur en la personne de Jean-Pierre Papin. L'une des priorités du nouvel homme fort du club est de se doter d'un ailier gauche de talent, afin d'alimenter l'attaque en bons ballons. Si, au départ, c'est plutôt le jeune Monégasque Nicolas Maurice-Belay qui semblait tenir la corde dans le cadre d'un prêt, c'est finalement vers l'Europe de l'Est et la Bulgarie que vont se tourner les Strasbourgeois. Quelques jours après Dimitar Rangelov, c'est donc le joueur du CSKA Sofia, Emil Gargorov, surnommé Badema ("l'amande") dans son pays en raison de son physique de poche (1,67m pour 61 kg), qui s'engage en Alsace. Déjà suivi par la cellule de recrutement du Racing du temps de Marc Keller, le joueur aux 9 sélections nationales avait également par le passé susciter les convoitises de clubs comme Lens, Lille, Bordeaux ou encore l'Ajax d'Amsterdam. Une bonne recrue à priori, qui fait naître des espoirs de remontée chez beaucoup de supporters, d'autant plus que sa motivation est forte: « C'est un challenge qui m'a plu et que je souhaite relever. Je suis très content et fier de rejoindre le Racing. Ma volonté, maintenant, est de m'intégrer le plus vite possible au sein de l'effectif pour pouvoir donner le maximum au club. » Mais la réalité sera un peu plus compliquée ...

Et vogue la galère ...

Sa signature étant intervenue quelques heures seulement avant la rencontre inaugurale de la saison de L2, Gargorov ne participe pas au match nul des siens face à Dijon. Re-belote la semaine suivante, où un retard dans l'obtention d'un permis de travail contraint le Bulgare à repousser la date de sa première apparition, qui s'éloignera d'autant plus avec une entorse à la cheville, ayant réveillé une blessure récurrente plus ancienne. Finalement, c'est face à Guingamp pour le compte de la 5ème journée de championnat que Gargorov fête sa première titularisation. Encore à cours de forme, il sera remplacé à l'heure de jeu, non sans avoir laissé apercevoir un joli potentiel, dont il fera à nouveau l'étalage quelques jours plus tard à Châteauroux, en Coupe de la Ligue. Des apparitions fugaces, mais qui resteront sans lendemains. En effet, sa cheville récalcitrante le contraint à prolonger ses séjours à l'infirmerie, seulement entrecoupés par quelques minutes jouées contre Istres en novembre. Une situation difficile, d'autant que le Bulgare ne reçoit pas vraiment le soutien de son entraîneur: « Si ça leur (Emil Gargorov et Jean Christophe Devaux, ndlr) fait plaisir de passer leur temps à l'infirmerie, tant mieux pour eux. Moi, ça me prend la tête. On n'est pas au Club Med' ici. Cette situation ne va pas durer longtemps. » Finalement, à l'image de son compatriote Rangelov, prêté à Aue en Allemagne, il ne figure plus dans les plans de Jean-Pierre Papin, victime à la fois de ses soucis physiques et de l'explosion d'Eric Mouloungui à son poste, mais également d'un certains nombre d'incompréhensions, et finira sa saison avec l'équipe réserve.

Un nouvel espoir ?

On savait que le torchon brûlait entre Emil Gargorov et Jean-Pierre Papin, le premier reprochant au second des fausses promesses de temps de jeu. Malgré les approches de certains clubs, comme Lens et Metz, l'arrivée de Jean Marc Furlan et les encouragements de Philippe Ginestet ont convaincu le joueur de prolonger son aventure en Alsace. Le nouveau coach alsacien compte d'ailleurs sur lui (« On peut considérer qu'Emil Gargorov est une recrue du passé. Il faut voir quelle est sa valeur par rapport à la L1. ») et l'aligne durant les matchs amicaux de pré-saison, où il brille par sa qualité de passe. Désormais intégré au sein du groupe professionnel, il ne bénéficie pourtant pas d'un temps de jeu conséquent : quelques minutes contre Lens, puis contre Lorient, rencontre durant laquelle il manque de peu l'occasion d'inscrire le but victorieux. La raison: Jean-Marc Furlan, soucieux de lancer le joueur progressivement, après une saison blanche, le ménage afin qu'il soit prêt pour la seconde partie de championnat. Mais une nouvelle incompréhension va conduire Gargorov sur une voie de non-retour. En effet, le bulgare refusera une convocation pour un match de CFA, se mettant ainsi tout seul en marge du groupe. Une porte de sortie sera trouvée avec un prêt vers son ancien club du CSKA Sofia. Un prêt avec une option d'achat obligatoirement levé en cas de maintien du club sofiote, alors en course pour le titre. De retour au pays, Emil dispute 13 rencontres, apportant sa contribution au 31ème titre national de son club, synonyme également de transfert définitif.

La surprise du chef

A l'heure où le Racing se mettait la recherche d'un meneur de jeu, après les départs conjugués de Johansen et d'Abdessadki, la nouvelle est tombée sans prévenir. Victime de problèmes financiers, le CSKA Sofia n'est pas en mesure d'honorer le paiement de l'indemnité de transfert fixée. Plutôt que se tourner vers les tribunaux afin de toucher la somme convenue, Philippe Ginestet se félicite de récupérer un joueur qui « peut très bien être le meneur de jeu que nous recherchions. Il aura l'occasion de démontrer enfin ses qualités. ». Une confiance qu'il traduire par une prolongation de contrat offerte à l'ancien banni, désormais lié jusqu'en 2012 au club alsacien. De son côté, Jean Marc Furlan ne ferme pas la porte, et se montre prêt à redonner sa chance à celui qui apparaît comme une véritable recrue, d'autant qu'il correspond parfaitement au profil de numéro 10 qu'exige sa tactique en 4-2-3-1. C'est d'ailleurs à ce poste qu'il brillera durant les matchs amicaux, se montrant à la fois buteur et passeur, mais également comme le véritable métronome de l'animation offensive. Il n'en faudra pas plus pour achever de convaincre l'entraîneur strasbourgeois de titulariser Gargorov, aux côtés d'un autre revenant en la personne de Rudy Carlier, face à Montpellier. Si le jeune attaquant n'a pas fait d'étincelles, le petit Bulgare s'est montré à son avantage, laissant enfin apparaître pleinement ses qualités d'organisateur du jeu mais également de tireur de coups de pied arrêtés, matérialisées par une passe décisive pour James Fanchone sur corner.

Emil Gargorov, passé en quelques semaines à peine du statut d'indésirable à celui de meneur de jeu titulaire, apparaît donc désormais comme l'un des maillons essentiels du système Furlan. Une situation somme toute étonnante au regard des deux saisons précédentes mais qui pourrait être profitable au Racing dans l'optique de la remontée ...